J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale puis écouté le Premier Ministre sur France 2 mardi soir. Je n’ai pas voulu juger hâtivement. J’ai attendu les explications et entendu les arguments. De Villepin ne m’a pas convaincu. Au-delà des cris d’orfraie poussés par certains à gauche, je veux essayer de vous dire pourquoi je ne crois pas au CPE.
Aujourd’hui 70% des jeunes se font embaucher en CDD, et les deux tiers ne sont pas renouvelés. Or il risque de se passer avec le contrat première embauche la même chose qu'avec la mise en place des CDD : en voulant contourner la lourdeur des CDI, on ne fait qu'augmenter le taux de rotation. Le grand problème du CPE, c'est que je ne vois pas ce qui va inciter l'entreprise à le transformer en CDI au bout de deux ans. Comme l'ont fait les CDD, les CPE vont augmenter le taux de rotation sans faire baisser le taux de chômage, ou seulement à court terme. Il risque de créer plus de précarité sans stabiliser l’emploi. Quand vous jouez sur la segmentation du marché du travail, vous créez des emplois demain, mais vous incitez à les détruire le surlendemain. On peut bien faciliter tant qu'on veut l'entrée sur le marché du travail d'un côté, si rien n'est fait de l'autre pour le maintenir, ça ne sert à rien.
Il faut améliorer le fonctionnement du marché du travail. De ce point de vue là, je ne bannis pas les contrats à durée déterminée. Mais ce type de contrat, qui donne une certaine flexibilité à l’entrepreneur, est cent fois mieux qu’un CPE car il y a un minimum de stabilité. Je pense que l’absence de souplesse du marché du travail est aujourd’hui critiquable mais cela ne veut pas dire qu’il faille pour autant casser ce que le droit du travail a construit. Le chômage des jeunes est de 22,7%. Nous sommes d’accord dès lors, au moins sur le constat: il faut agir et vite. Mais l’urgence ne signifie pas qu’il faille tout accepter. Nous sommes dans une économie ouverte. Plus personne ne l’ignore. Cela signifie t-il qu’il faille penser notre droit du travail seulement comme un handicap ? Nous contenter tels des travailleurs bengalis, d’un simple bol de riz, pour exister dans la compétition par les coûts ?
Ne pourrait-on pas plutôt penser à une vraie dégressivité de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises jouant le jeu du CDI ? Avec une mesure aussi sexy pour les boîtes et aussi peu protectrice pour les salariés, disons les choses clairement, les effets d’aubaine prévaudront.
Créer le CPE, ce n’est pas donner une chance aux jeunes, c’est dissuader l’entreprise de les embaucher en CDD ou en CDI. Bien sûr, le CPE comprend un minimum de protection comme l’indemnité de 8 % du salaire en cas de licenciement. Mais enfin, qui peut encore croire que ce contrat est une solution à encourager ? Qui peut croire qu’il n’existe aucune voie possible entre une défense aveugle des protections et un besoin de sécurisation minimum ? Pas moi en tout cas.