30.1.09

"Vous n'avez réussi qu'à décupler notre détermination"

Les députés Socialistes boycottent le vote Réforme du Parlem
Vidéo envoyée par GroupeSRC

Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère, explique, seul, les raisons pour lesquelles les députés socialistes ne veulent pas prendre part au vote sur la réforme du Parlement. Un nouvel épisode de la crise parlementaire.

29.1.09

La grève : une longue conquête


Pour bien comprendre :

- une décision importante du Conseil constitutionnel ...(cliquez ici)

- une étude intéressante : La France, pays des grèves ? (cliquez ici)



Une longue conquête


Jusqu’au XIXesiècle, non seulement la grève était interdite mais elle constituait en outre un délit pénalement sanctionné. Ce n’est que le 25 mai 1864 qu’une loi mit fin à cette pénalisation de la grève, sans toutefois lui donner sa pleine portée. En effet, selon cette loi, la grève constituait toujours une rupture du contrat de travail et pouvait justifier un licenciement du salarié gréviste ou une intervention de la force armée avec heurts sanglants et victimes. Pourtant, malgré les risques encourus par les salariés, la grève a joué tout au long de la Troisième République un rôle majeur dans la vie politique et sociale (ex : grève générale avec occupations d’usines en 1936, après la victoire du Front populaire).

Ce n’est qu’à la Libération que le droit de grève est pleinement consacré. Il est inscrit dans le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : "Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Contrairement à ce que semblait annoncer ce texte, le législateur n’est pas intervenu pour encadrer le droit de grève, mais seulement pour l’interdire à certaines catégories de personnels. C’est le cas des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) par une loi de 1947, des personnels de police (loi de 1948) et des magistrats en vertu d’une ordonnance de 1958. En raison de cette carence du législateur, le Conseil d’État, tout en reconnaissant le droit de grève des fonctionnaires, a demandé à l’administration de réglementer les conditions de son exercice (arrêt Dehaene de 1950).

Sous la Cinquième République, le droit de grève est totalement reconnu (le préambule de la constitution de 1958 fait référence au préambule du texte constitutionnel de 1946). Cependant, le législateur est intervenu en 1963 pour encadrer quelque peu ce droit. Sont ainsi interdites les grèves "tournantes", qui visent à paralyser l’action d’une entreprise. De même, dans la fonction publique, un syndicatSyndicatAssociation de personnes dont le but est de défendre les droits et les intérêts sociaux, économiques et professionnels de ses adhérents. souhaitant organiser une grève est contraint de déposer un préavis cinq jours au moins avant la cessation du travail. Par ailleurs, un service minimum a été mis en place dans certains secteurs. Le contrôle aérien fait ainsi l’objet depuis 1964 d’une prise en charge minimale pour des raisons évidentes de sécurité. Il en va de même, depuis une loi de 1979, de la télévision et de la radio (qui ont l’obligation de diffuser un journal d’information et une émission de divertissement chaque jour).


Source : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/approfondissements/droit-greve.html

20.1.09

Critique de livre - Esprit critique Janvier 2009



Understanding America, The Anatomy Of An Exceptional Nation, Peter H. Schuck and James Q. Wilson, Public Affairs, 2008.


Retrouver cette critique dans Esprit critique n°89, sur le site de la Fondation Jean Jaurès : http://www.jean-jaures.org/



A lire le sous-titre de cette imposante somme consacrée aux Etats-Unis, on peut de prime abord s'interroger sur le côté militant de ce travail universitaire. Et c'est bien d'un travail de conviction dont il s'agit. Reprenant le mot de Tocqueville pour qui l'Amérique était une « nation exceptionnelle », cet ouvrage se propose de réinterroger, en s'appuyant sur les meilleurs travaux en sciences sociales, cette « exception » américaine. Séquencé en 21 chapitres d'une trentaine de pages, Understanding America, est une présentation de l'Amérique au reste du monde, par quelques-uns de ses meilleurs universitaires. Coordonné par Peter H. Schul, professeur de droit à l'université de Yale et James Q. Wilson, professeur de Government à Harvard, ce livre est une contribution unique à une meilleure compréhension de l'Amérique. Ecrite dans un anglais académique largement accessible au plus grand nombre, cette plongée passionnante, qui cherche à démontrer autant qu'à convaincre, est l'occasion de questionner aussi l'Europe, son regard sur l'Amérique, et finalement sa relative méconnaisance. Sans aucun doute a t-on là l'un des meilleurs livres pour se faire une idée juste de l'Amérique, de l'image qu'elle veut renvoyer d'elle et comprendre un peu mieux ce pays fabuleux et complexe, si proche de nous et si différent à la fois, appréhender un peu plus ce pays dont De Gaulle disait qu'il était « fille de l'Europe »


Il est des ouvrages qui mériteraient qu'on y consacre plusieurs « Esprit critique » ; des ouvrages qui, comme certains desserts, mériteraient évidemment qu'on y revienne. Face à l'impossibilité d'embrasser en une seule et même critique un travail aussi copieux, impliquant une vingtaine d'auteurs différents, je me contenterai ici de restituer sur quelques thématiques importantes, à l'aube de la prise de fonction d'Obama, une infime part de ce voyage en Amérique. A dessein, je choisirai de revenir plus particulièrement sur les analyses développées dans la première partie de l'ouvrage consacrée aux institutions et à la culture.

Inauguration Day oblige, la lecture du premier chapitre consacré au système politique, mérite bien une attention particulière. Que retenir du fonctionnement passé et actuel de la démocratie américaine ? Une philosophie générale ou un principe-clé demeure incontournable, hier comme aujoud'hui, le fameux « checks and balances ». Deux institutions puissantes – si l'on excepte pour l'instant le pouvoir judiciaire – polarisent l'essentiel des pouvoirs institutionnels au niveau national. La présidence, dont le pouvoir n'a cessé de s'affirmer depuis les années 50-60, se trouve en compétition permanente avec le Congrès, qui peut-être considéré à raison comme le plus puissant parlement du monde, eu égard tant aux pouvoirs qu'aux effectifs et moyens propres dont il dispose. Dans ce dispositif dans lequel une stricte séparation des pouvoirs est observée, et où chacun des pouvoirs a « besoin » de l'autre pour agir, le Sénat s'est affirmé comme la chambre la plus puissante et la plus visible nationalement. Il est le point de passage désormais privilégié, la rampe de lancement avant toute candidature présidentielle, le lieu où se construit à la fois une visibilité médiatique qui dépasse les frontières de son Etat d'élection, le lieu où se prépare aussi le combat des primaires et le soutien au sein de son propre parti. La Chambre des représentants et ses 435 représentants ne permet pas de se « distinguer » aussi nettement que ne le permet le Sénat et ses 100 élus. Enfin, pour bien comprendre le système politique américain, il faut avoir à l'esprit qu'à une logique nationale, vient se greffer une logique fédérale. On lira ci avec intérêt l'analyse de ce que les analystes américains définissent comme le « one-hundred party system » (système des cent partis), autrement dit l'existence dans chaque Etat de logiques partisanes, d'opposition de valeurs, de positionnements idéologiques aussi variés que le nombre d'Etats. Peu de choses en effet à partager entre les démocrates du Massachussets et ceux du Nebraska. Chaque Etat reconstitue dans les limites de ses frontières ses propres débats, y compris sur des questions aussi essentielles que le droit à l'avortement ou la peine de mort. Dernier élément, congruente à la logique fédérale, l'ensemble des exécutifs locaux, juges, sheriffs, et même représentants des parents d'élèves sont élus. La démocratie américaine est complexe, parce qu'elle entremêle des logiques de pouvoirs et de gouvernance tantôt alliées tantôt concurrentes. Cette complexité explique qu'une communauté extrêmement large d'acteurs participent en fait à la prise de décision politique et à la mise en oeuvre des politiques publiques : l'intense activité de lobbying à Washington en est le signe car là se concentrent et se confrontent, dans la capitale de l'Union, tous les intérêts et logiques du pays.

L'analyse ensuite du système légal et judiciaire, plus précisément la fonction de la norme de droit dans la vie des américains se révèle incontournable. Comment les Américains conjuguent-ils depuis tant d'années leur goût prononcé pour la liberté, particulièrement visible quand il s'agit d'économie, et un attachement tout aussi grand pour le contentieux juridique ? En réalité, avec le développement de l'Etat-providence, de nouveaux droits se sont développés. Dans chaque Etat, des législations différentes ont encadré les pratiques en matière de santé, de famille, de commerce ou même en matière criminelle. Avec l'affirmation de nouveaux champs d'intervention publique, de nouvelles règles et normes ont été nécessaires. En outre, le Welfare State, en poursuivant des objectifs sociaux, en élevant le niveau de vie moyen des américains, a aussi fait naître dans les années 60 une forte aspiration à la reconnaissance de nouveaux droits. Le mouvement des droits civiques a coïncidé avec de nouvelles revendications par et pour la classe moyenne ; au bien-être matériel, s'est doublée une demande de reconnaisance plus grande de l'individu. Le mouvement pour les civil rights a fait progressivement sauté le système antérieur, ses conséquences ont donc largement dépassé le seul combat – fondamental évidemment – pour l'égalité entre les blancs et les noirs. Ce combat premier a ouvert la voie aux combats des femmes, des étudiants ou encore des minorités sexuelles. Le droit a dû s'adapter à cette demande sociale nouvelle. On est passé d'une demande d'égalité légale «(« legal equality ») à une demande d'égalité différenciée ou plurielle (« plural equality »). Il s'est donc agi de construire par pans entiers et en peu de temps de nouvelles lois protectrices de ces droits, assumant de nouvelles sécurités. L'inflation des services juridiques des entreprises afin de couvrir des risques sans cesse nouveau, la judiciarisation croissante de la société, finalement l'immixtion de la règle de droit dans chaque action de la vie quotidienne finissent par remettre en question aujourd'hui l'idéal libéral. Des questions passionnantes sont ainsi posées quant aux limites du droit et de la norme. On s'interroge par exemple sur le fondement du Patriot Act qui rogne sur les libertés publiques au nom de la sécurité. On s'interroge aussi sur la protection des libertés avec le développement des capacités de l'Internet. Quelle place pour l'individu et son intimité quand les réseaux sociaux sur Internet se multiplient, et que le développement des « fichiers » rendent difficiles le contrôle de l'utilisation des données personnelles ?

L'économie américaine fait l'objet d'un chapitre spécifique ; un chapitre que la crise économique actuelle a au mieux ringardisé, au pire totalement invalidé. Pour ceux qui aiment l'histoire du Titanic, surtout avant sa rencontre avec l'iceberg et en particulier pour ceux qui raffolent de la scène de l'orchestre continuant de jouer pendant le naufrage, ce chapitre est un « must ». On peut y lire en une trentaine de pages, un superbe plaidoyer de l'Amérique d'avant-crise. On y trouve quelques pépites, magnifiques illustrations d'un temps parfaitement révolu, le témoignage d'une confiance un peu naïve en une économie, aujourd'hui fragilisée par la crise. On savourera notamment cette analyse, aujourd'hui quelque peu démentie par les faits, et notamment depuis la révélation sur la passivité de la SEC – l'AMF américain – sur les agissement du financier Madoff : « One reason American financial markets are so well developped, and attract such broad public participation, is that government regulation and supervision preserve soundness and integrity of the vast majority of private-sector financial institutions... ». Certains développements gardent bien sûr leur validité et il serait trop facile de jeter l'ensemble de l'analyse avec l'eau de la crise... La réussite américaine des dernières décennies est expliquée principalement par trois facteurs : le très haut niveau de productivité des travailleurs américains (leur sens supérieur de l'effort), un droit du travail parmi les moins contraignants des pays du G7, enfin un niveau de syndicalisation extrêmement faible. Facteur proprement américain d'après l'auteur, plus qu'ailleurs dans le monde, le succès économique est pour nombre d'américains la seule chance de reconnaissance sociale. Benjamin M. Friedmann note - rendons lui justice sur ce point également – combien depuis une dizaine d'années maintenant, l'accroissement des gains de productivité et du niveau général de la richesse produite ne bénéficie plus à la plus grande majorité des américains mais seulement aux 10% les plus riches. Il y a dans cette incapacité à garantir l'élévation continue du niveau de vie des classes moyennes, une carence particulièrement grave de l'économie américaine. Ce constat ne conduit malheureusement pas l'auteur à s'interroger sur la déconnection progressive et avérée entre la finance et l'économie réelle, à se poser la question fondamentale de la redistribution dans l'entreprise des gains de productivité, entre capital et travail. C'est pourtant cette même faiblesse – la « déconnection »avec la réalité de l'économie et des marchés – qui débouchera sur la crise des subprimes. L'incapité pour une économie à réduire les inégalités sociales aurait dû jouer un rôle d'avertisseur, ou être interprété comme le signe d'une logique qui sur le seul plan économique est dangereuse à court ou moyen terme. Rien n'est dit de ces dangers. La captation par quelques-uns de la richesse produite a coïncidé avec une perversion lente du capitalisme lui même, en déplaçant les centres de décision des dirigeants d'entreprise vers les conseils d'administration, des salariés vers les actionnaires, en préférant finalement le couple rentabilité/bonus au couple profit/investissement.

Dans les autres chapitres de cette somme passionnante et très complète, il est indispensable de lire l'analyse du système médiatique et de la presse. Y sont décrites avec minutie l'évolution des grands réseaux cablés, leur volonté de s'ériger dans les années 90 en véritables « arbitres politiques » - Don Hewitt parlera de l'émission 60 minutes diffusée sur CBS de son rôle de « contrôleur général » (ombudsman), et enfin la montée rapide d'une très grande défiance du public américain vis-à-vis de ces média.

Mais puisque le 44ème Président des Etats-Unis prêtera serment comme ses prédecesseurs en posant la main sur la bible, on ne s'interdira pas de lire le chapitre très détaillé consacré au rapport des américains à la foi. Ce chapitre revient sur la difficulté grandissante pour l'Amérique de conjuguer goût du pluralisme culturel et attachement au christiannisme. Le développement des religions, la place faite aux musulmans ou aux buddhistes interroge l'Amérique sur la représentation qu'elle se fait d'elle-même, et renvoie inévitablement à la question de l'identité américaine. Le même questionnement est au coeur des chapitres consacrés à l'immigration, à la démographie et celui passionnant dédié au thème de la famille.

A l'aube de ce qu'il est permis de considérer comme un tournant politique majeur aux Etats-Unis, il est urgent de lire cet ouvrage à la fois dense et riche. On y trouvera un plaidoyer, en faveur non pas de la grandeur de l'Amérique et de son message, mais d'une meilleure compréhension de l'exception américaine. Mais qu'on ne se méprenne pas, malgré l'ampleur du travail, on se souviendra de ces mots justes de Julien Green, qui dans son carnet de voyage Mon Amérique écrivait : « Définir l'état d'esprit d'un pays aussi vaste et aussi divers que l'Amérique est à peu près impossible dans la période incertaine que nous traversons. L'opinion de cent trente millions d'hommes et de femmes ne se laisse pas emprisonner en quelques phrases ... »

16.1.09

Le Parlement, ce lieu où l'on parle.


La révision constitutionnelle votée en juillet dernier par le Congrès réuni à Versailles, devait – nous disait-on – revaloriser le Parlement. L'intention du texte était louable mais la réalité de son contenu n'a pas convaincu les parlementaires de gauche de le voter. Que signifiait au fond ce non ? Pourquoi, ceux des parlementaires les plus désireux de trouver les voies d'un compromis, s'étaient-ils finalement opposés eux-aussi à cette réforme de la « maison commune » ? La raison en était simple ; le projet de loi constitutionnel contenait plus de non-dits que de nouveaux droits, plus de droits virtuels que de droits effectifs. Au final, par ses manques, la réforme constitutionnelle suscitait bien plus d'inquiétudes que d'espoirs.

Il est important de se souvenir aujourd'hui ce qui fondait les réserves exprimées alors. La révision constitutionnelle renvoyait ni plus ni moins à quinze lois organiques ou ordinaires, ainsi qu'à neuf modifications des règlements des assemblées! En réalité, avec le vote du Congrès en juillet s'ouvrait un grand chantier dont toute le monde ignorait ce qu'il allait précisément permettre d'édifier.

Au-delà de la réforme, comptaient bien plus le cheminement législatif, la mise en mots, la traduction normative qui devaient suivre. Dans la manière de conduire ce chantier, le gouvernement pouvait indiquer clairement où se trouvait ses priorités. Dans le choix du calendrier et de la méthode, il avait l'occasion de lever certaines des inquiétudes exprimées en juillet. L'exécutif pouvait démontrer à l'opposition qu'une bonne partie de ses préventions n'étaient pas justifiées et que le vote négatif à Versailles était fondée sur des craintes qui ne tenaient plus. Ce choix, qui sur le seul plan tactique aurait été judicieux, n'est pas celui qu'a fait le gouvernement. Bien au contraire, au lieu de commencer par le dépôt de projets de lois organiques portant par exemple sur la création d'un référendum d'initiative populaire ou sur la création d'un Défenseur des droits, le gouvernement choisit d'entamer son « chantier » par deux lois organiques dont chacun pourra apprécier l'urgence et l'opportunité : l'une permettant le retour des ministres au Parlement, l'autre relative au redécoupage électoral...

S'il fallait une confirmation des craintes exprimées par l'opposition en juillet, une validation a posteriori de son vote, l'examen de ces premières lois organiques valaient mieux que de longs discours. Les priorités de l'exécutif étaient désormais clairement connues ; un constat s'imposait, la revalorisation du Parlement n'était pas au menu...

C'est dans ce contexte particulier, qu'était adopté en Conseil des ministres le 10 décembre, le projet de loi organique « en application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ». Nouveau pan du « mécano constitutionnel », ce projet de loi organique, dont le titre échappe naturellement à tout citoyen non titulaire d'une maîtrise de droit public, affiche et assume dès l'exposé des motifs un objectif clair : améliorer la qualité de la loi, renforcer l’efficacité du travail parlementaire et diversifier les modalités d’expression du Parlement. Mais c'est en réalité une autre phrase qui dès les premières lignes indique la vrai visée de ce texte : « La rationalisation des conditions d’exercice du droit d’amendement est une attente forte et ancienne ».

Le projet de loi organique révèle dans cette seule phrase toute son ambition : faire taire le Parlement, faire en sorte qu'il ne soit plus ce lieu où l'on délibère. Qu'on en finisse avec ce lieu où l'on parle ! A grand renfort d'articles de presse, de vidéos détournées et de chiffres erronés, l'exécutif appuyé par sa majorité parlementaire, a préparé les esprits en menant une puissante campagne de communication. L'idée centrale en était simple et redoutable, tant il est vrai que l'antiparlementarisme demeure latent dans notre pays ; le Parlement souffrirait d'un mal absolu et récurrent nommé « obstruction ».

L'opposition mènerait de manière systématique et sans aucun discernement depuis le début de la XIIIème législature des opérations dite de « guérilla parlementaire ». Pour l'exécutif, il y a là un dévoiement de nos institutions ; le temps serait venu de couper court à ce travail de sape, de rétablir enfin l'institution parlementaire dans sa dignité ! L'argumentaire a été développé à l'envi pendant des jours et des jours par les chevaux-légers de l'Ump d'abord, puis par le Président de l'Assemblée nationale lui-même, enfin par les membres du gouvernement. On montra du doigt ici l'attitude irresponsable de l'opposition sur le travail du dimanche, là le supposé acharnement sur l'audiovisuel public...Côté UMP, on battit même sa propre coulpe en reconnaissant avoir pratiqué en son temps l'obstruction parlementaire pour mieux appeler de ses voeux la construction d'un Parlement du XXIème siècle dans une sorte de dépassement collectif et sublime...

En réalité, ce déploiement d'énergies en amont du texte, ne visait qu'à conditionner les esprits à l'acceptation d'une régression démocratqiue majeure, entièrement contenue ou presque à l'article 13 du projet de loi organique. Celui-ci dispose que désormais : « Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion ». Cet article remet en cause le droit constitutionnel, individuellement reconnu à chaque parlementaire, d'amender librement les textes de loi. En outre, il condamne à un mutisme forcé, les représentants du peuple, élus au suffrage universel, une fois épuisé le crédit-temps alloué à leur groupe parlementaire.

On le comprend, l'article 13 est un bâillon sur la bouche des parlementaires...Ce « temps guillotine », s'il devait être adopté, introduirait une transformation considérable du rôle des chambres parlementaires, les cantonnant à un rôle d'avaliseurs des projets gouvernementaux.

La philosophie générale de ce projet de loi organique se révèle pleinement dans cet article 13. Quelle est-elle finalement cette philosophie, sinon une toute nouvelle manière d'écrire et de penser la loi ? Dans l'esprit du Président de la République, véritable architecte et commanditaire de cette réforme, la loi s'écrit dans les cabinets ministériels et le Parlement ne fait plus que l'enregistrer. Finalement, la norme change de fonction ; elle s'écrit vite, s'inscrit dans le temps médiatique, répond à l'émotion, colle au moment. Pour Nicolas Sarkozy, la loi est une réponse, et non une solution.

L'article 13 est donc autant un bâillonnement, qu'une renonciation. Le choix de lois de circonstance, votées au terme de délibérations écourtées, c'est en effet la renonciation aux lois de qualité. Qu'on veuille bien seulement se rappeler qu'en 1905, la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat fut adoptée après deux ans de travail en commission et neuf mois de débats à la Chambre puis au Sénat...Qui oserait soutenir aujourd'hui que ces débats et la loi en résultant ont été inutiles ?

En définitive, en dépit des sorties médiatiques tonitruantes sur la supposée « obstruction parlementaire », ce projet de loi organique s'avère tout à la fois inutile, trompeur et dangereux.

Inutile si l'on veut bien se rappeler que depuis 18 mois, seuls 2 textes ont dépassé la barre des 1000 amendements et qu'il n’a fallu en moyenne que 2 jours pour que le Gouvernement fasse adopter ses projets de lois à l’Assemblée nationale...L'obstruction n'a jamais empêché l'adoption d'un seul projet de loi ; l'exécutif disposant de tous les moyens nécessaires pour écourter les débats avec pas moins de 5 articles de la Constitution à sa disposition (40,41, 45, 44-3 et 49-3). Dernière preuve de cette capacité de contrainte exorbitante laissée au gouvernement et à la majorité, plus d'un millier d'amendements ont été jugés irrecevables le mardi 13 janvier et n'ont donc pu être ni examinés ni défendus en séance publique...

Trompeur ensuite, car l'exécutif est en fait le seul et unique responsable du retard de ses politiques en même temps que de l'obstruction du travail des assemblées! Plus de 70 lois ont été votées depuis le début de la législature, et le Sénat vient récemment de révéler que leur taux de mise en oeuvre (l'ensemble des décrets d'application) n'étaient que de...24%.

Dangereux enfin, tant l'on sait l'importance en démocratie de garantir un certain équilibre des pouvoir, tant il est vrai aussi, que ce projet de loi organique s'intègre dans un contexte général inquiétant où depuis plusieurs mois, la presse et la Justice font l'objet de pressions, laissant accroire que l'on cherche à éteindre un à un dans notre pays tous les foyers de critique.

Inutile, trompeur, dangereux, ce projet de loi organique intervient dans un contexte de crise économique et sociale. Le risque est donc grand que la bataille parlementaire engagée dès le 7 janvier en Commission ne passionne guère les Français. Et pourtant se joue là une bataille décisive pour l'avenir. Avec ce texte d'apparence technique, destiné en réalité à « mater » l'opposition au sein des assemblées élues, le gouvernement prend le risque de renvoyer l'expression des conflits à l'extérieur des hémicycles. Faute de « soupape parlementaire », il prend le risque de faire de la rue la place forte de l'opposition au pouvoir exécutif. C'est prendre un risque considérable.





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14.1.09

Quand les socialistes défendent leur droit d’amendement

Quand les socialistes défendent leur droit d’amendement
Vidéo envoyée par LepointTV

Les députés socialistes ont réalisé un film de sept minutes intitulé Notre droit d’amendement, c’est votre liberté d’expression. Objectif : répondre au film réalisé par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Quand le Parlement s'éveillera, qui dénonce "les ravages de l’obstruction". Du CPE au paquet fiscal, les socialistes rappellent, sept minutes durant, "l'utilité du débat parlementaire".