27.9.07

Mardi, soir de première au Palais-Bourbon.

Deuxième semaine à l'Assemblée nationale et déjà une opportunité s'offre à moi. Comprendre enfin ce qu'écrire la loi veut dire.
Je ne résiste pas à l'envie de vous narrer succinctement ce voyage fabuleux au pays de l'amendement et du sous-amendement. Plongée dans le monde merveilleux du travail législatif.


Avant-propos
Chaque projet de loi examiné par l'Assemblée nationale a son Rapporteur, un membre de la majorité chargé d'organiser le travail en commission, de veiller à l'équilibre du texte et de faire prévaloir in fine, le plus habilement possible, sa propre lecture du dit texte. Mais chaque projet de loi a également côté opposition, son « responsable du texte ». C'est ce rôle qu'a eu à tenir Jean-Jacques Urvoas, Député du Finistère, Mon Député, sur le projet de loi instituant un Contrôleur général des prisons.

Intérêt du texte
Ce texte arrive dans un contexte particulier. L'état des prisons en France est désastreux ; c'est une véritable humiliation pour notre pays. La dignité des personnes détenues n'est plus respectée dans bien des établissements compte tenu des conditions déplorables d'incarcération. La France se doit de réagir en votant le plus vite possible une loi de programmation pénitentiaire à la hauteur des défis urgents qui attendent le pays en la matière. Avant d'en venir à cette loi, le Gouvernement a soumis au Parlement un texte visant à créer une nouvelle institution chargée du contrôle de tous les lieux de privation de liberté (prisons, centre de rétention, hôpitaux psy fermées, etc...). C'était urgent et les textes internationaux nous y invitaient depuis longtemps. Alors voilà, la France décide enfin, avec ce projet de loi, de créer ce poste de Contrôleur indépendant.

Positionnement sur le texte
La position du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a été très vite arrêtée. Il était bien sûr inconcevable de s'opposer à la création d'une institution permettant un meilleur respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. D'autant que le Parti socialiste, Marylise Lebranchu notamment, avait en d'autres temps poussé pour que ce Contrôleur soit crée. Toutefois, la vigilance était de mise eu égard au contenu même du projet de loi. Notre devoir d'opposition était ici de veiller à ce que le gouvernement n'en reste pas à un simple discours d'intention, de nous assurer que cette nouvelle autorité indépendante ait les moyens de ses ambitions. Le risque était grand de voir la droite faire assaut de compassion, et de voir disparaître derrière les discours humanistes, la capacité d'action réelle du futur Contrôleur général. En un mot, nous voulions un vrai Contrôle indépendant, fort, respecté et donc écouté, susceptible d'intervenir dans tout lieu de privation de liberté et à tout moment pour mettre fin si besoin est, aux atteintes les plus flagrantes aux droits fondamentaux.

Le Grand oral dans l'hémicycle
Avec Marianne, collaboratrice au groupe PS, chargée des questions de justice, nous avons travaillé sur la base des analyses de Jean-Jacques et d'Alain, son collaborateur à Quimper, à rédiger les amendements et sous-amendements qu'ils nous paraissaient nécessaires de défendre pour donner au Contrôleur une vraie capacité d'action. Derrière ce travail de mise en mots se cache en fait le travail le plus exigeant mais aussi le plus excitant du travail parlementaire ; la possibilité de changer les termes de la loi. Mais dès le passage en Commission des Lois, nous avons pu mesurer le poids de l'opposition : 2 amendements adoptés sur 14.
A 15h mardi, s'ouvrait alors la séance publique. Au bout d'une heure et demi de discours, Jean-Jacques montait à la tribune de l'Assemblée pour défendre une motion de « renvoi en commission »: cette motion se justifiait par la volonté des socialistes de « retravailler » le texte, de l'amender plus et mieux, d'assumer un positionnement clairement constructif. Jean-Jacques a eu le mérite de la clarté et de la concision.* Sa prestation a été saluée par nombre d'élus du groupe SRC. Dans la discussion article par article qui suivit (durant plus de six heures), il s'est montré à son aise dans un exercice que pourtant, il ne connaissait pas.

Quant à moi, j'ai eu la chance de pouvoir assister au plus près à ces débats puisque je me trouvais dans l'hémicycle même**. Suivre la séance d'aussi près, comprendre son déroulement, le rôle de chacun, les postures, découvrir les lieux, les usages et les codes...Passionnant! Reste toutefois cet étrange sentiment ressenti à la vue de ces dizaines de sièges vides dans l'hémicycle. Reste aussi l'indifférnce ostensiblement affichée par la Garde des sceaux durant l'intégralité des débats.

On a parlé dignité humaine, justice, Etat de droit. Et tout cela entre quatre yeux ou presque. Non, pour être tout à fait juste, il y avait une ministre, vingt députés, quinze huissiers...et moi.


*et puis c'est aussi mon employeur...
**dans une petite ouverture en retrait, à gauche du perchoir