5.6.08

Projet de loi de modernisation de l'économie (discours d'Annick Le Loch, Députée du Finistère)


Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Messieurs les ministres,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,

Il est beaucoup question dans la sémantique gouvernementale ces derniers temps de « modernisation ». On modernise le marché du travail, on modernise les institutions, on modernise maintenant l'économie. Mais il ne suffit pas d'accoler le beau terme « modernisation » pour qu'instantanément nos concitoyens en soient convaincus. Pour au moins deux raisons, ce texte n'augure en rien d'une modernisation.

D'abord il participe de l'empilement des textes législatifs, à la suite d'une série de textes dont nous ne connaissons toujours pas les effets : par exemple ceux de la loi Chatel. Il crée ainsi pour les entrepreneurs une véritable insécurité juridique.
Ensuite, sont agrégées des dispositions extrêmement disparates, rendant le texte particulièrement difficile à lire pour le citoyen. On crée ici un « maquis juridique ».

Par souci de clarté et d'efficacité, je choisirai dans cet assemblage opaque de dispositions, celles traitant de l'équipement commercial. Le gouvernement choisit de modifier le régime d’autorisation des implantations commerciales. Pourquoi cette facilité donnée aux grandes surfaces ?

La Commission européenne n'oblige la France qu'à modifier sa réglementation et non à la saborder. Elle lui demande de supprimer toutes les obligations pouvant être assimilées à des tests économiques, et de modifier la composition des commissions délivrant les autorisations de façon à supprimer la présence d’opérateurs concurrents. Aucune obligation donc de relever à 1 000 m² le seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation.

Chaque jour, des élus locaux, toutes tendances politiques confondues, se donnent du mal pour revitaliser nos centres-villes, pour faire vivre les petits centres-bourgs, pour maintenir dans leurs villages une animation commerciale, qui admettons-le, est une garantie du lien social. Pourtant, enfermé dans une vision simpliste des relations commerciales, aveugle face aux enjeux d'aménagement du territoire, oubliant le Grenelle de l'environnement, le gouvernement entend encourager les projets commerciaux en périphérie des villes. Hors des villes, loin de ses habitants, sans réfléchir aux besoins spécifiques des personnes âgées par exemple. Stop, nous sommes déjà allés trop loin!

On nous avance l'argument du pouvoir d'achat des Français. On nous dit que le consommateur aura tout à gagner d'une plus grande concurrence mais quel sera le bilan social des magasins « hard discount » ? Côté pile, des prix cassés pour le consommateur et des produits de moindre qualité, côté face, des salaires cassés en interne. Résultat : des salariés à temps partiel payés en dessous du SMIC, et la disparition programmée de plusieurs commerces indépendants...

Quelles conséquence enfin sur les relations commerciales, sur nos commerces de proximité, sur ce commerce de centres-bourgs auxquels beaucoup dans cet hémicycle sont attachés ? Votre texte fragilise là où il faudrait renforcer.

D'un côté, vous voulez introduire plus de concurrence dans les relations commerciales, de l'autre – je pense à l'article 21- vous confortez les distributeurs dans leur position dominante et étranglez un peu plus leurs fournisseurs.
D'un côté, vous promouvez de nouvelles règles en matière d'urbanisme commercial, de l'autre vous mettez sous perfusion les commerces de proximité en agitant la solution FISAC. Les fonds Fisac étaient de l'ordre de 120 millions d'euros, sur les quelques 640 millions de la TACA. 80, 90, 100 millions, où en est-on aujourd'hui ? Où vont les sommes de la TACA ?

Comment soutenir ces commerces de proximité qui font et fondent notre qualité de vie ? Il faut comme nous le proposerons dans ce débat, à travers plusieurs amendements, penser en termes d'équilibre du territoire, d'offre commerciale et de bassin de vie. Par exemple en s'appuyant sur les schémas d'organisation qui existent déjà comme les SCOT. On ne peut pas continuer à organiser d'un côté une course aux mètres carrés et se contenter de l'autre d'organiser la mort à petit feu du commerce de centre-ville en réparant les dégâts que l'on a soi même contribués à créer. C'est une politique incohérente et dangereuse.

J'ai organisé il y a quelques jours, dans ma circonscription une table ronde avec l'ensemble des acteurs du tissu économique local. De ces échanges, il me reste notamment ce que m'a dit ce gérant d'un petit supermarché établi dans l’extrême ouest de la Cornouaille ; il perçoit le texte comme une remise en cause de son métier. A terme, il craint pour la pérennité de son activité et l’emploi de ses 15 salariés. Les changements de règles fréquents rendent impossible un développement serein, anticipé, lisible de l’activité de son commerce.

Il me reste aussi de cette table ronde le silence des patrons de PME de l'agro-alimentaire, qui ont finalement choisi de me parler quelques jours après sans la présence de la grande distribution. Ces craintes de représailles, c'est le révélateur de la pression que connaissent les fournisseurs! Ce silence, cette peur, en disent long sur la profonde inégalité du combat entre fournisseurs et grande distibution.

Rien dans votre texte sur le développement des petits commerçants ou presque. Pour accompagner le petit commerce, il faudrait aborder plus sérieusement que vous ne le faites la question du financement de la formation des salariés et de l’apprentissage. Le petit commerce, c’est avant tout l’expression d’un savoir-faire. Il faut se battre chaque jour pour le faire savoir. Le petit commerce, pour peu qu'on lui donne les moyens de se développer, peut permettre de recréer la confiance du consommateur dans un juste rapport qualité-prix.

Le petit commerce tient un rôle structurant, il contribue à créer du lien social. Vous le mettez en péril, aggravant encore le déséquilibre de notre offre commerciale. En 10 ans, 177 boucheries-charcuteries ont fermé dans le Finistère par absence de repreneur ou en raison des flux de consommation toujours plus orientés vers la grande distribution. L’érosion du commerce traditionnel est-elle une fatalité pour ce gouvernement ?

Au final, pensant défendre une libéralisation vertueuse, vous n'organisez qu'un jeu concurrentiel bancal et inabouti, dont on peut douter des effets positifs sur le pouvoir d'achat des Français et sur notre économie plus largement.

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