16.7.10

Critique de livre - Une tombe au creux des nuages, J. Semprun




« Le présent pose et formule les questions du passé, et le passé éclaire la caractéristique particulière du présent », Marc Bloch.


Au travers d'allers-retours au coeur de notre histoire commune, au gré d'emprunts philosophiques, littéraires, artistiques, Jorge Semprùn parle, avec envie, avec attachement, du plus beau de tous les projets d'avenir : l'Europe.

En décidant avec Une tombe au creux des nuages, de collationner en un seul et même recueil les textes de conférences données à travers toute l'Allemagne entre 1986 et 2005, l'auteur de l'inoubliable L'écriture ou la vie prenait le risque d'une sorte de tournée d'adieu nostalgique et passéiste. Sorte de dernier tour de chants. C'était évidemment oublier qui est Jorge Semprùn ; un regard sur le passé mais tourné vers l'avenir, un homme lucide, concevant l'histoire comme utile au temps présent. Un homme toujours soucieux de faire vivre la pensée de ceux qui, victimes des barbaries totalitaires, sont devenues « une tombe au creux des nuages », selon le mot du poète Paul Celan.

Le camp de Weimar-Buchenwald et la lucidité

Omniprésent, structurant, fondateur, le souvenir de la déportation, de son internement au camp de Weimar-Buchenwald est pour Semprùn ni un point de départ ni un horizon indépassable, il est pour lui, avec l'analyse fine et complète des deux grands totalitarismes du XXème siècle – l'hitlérisme et le stalinisme -, la meilleure garantie d'une construction européenne réussie.

Au fil des pages, avec la liberté de ton et d'écriture qui sied au romancier, Jorge Semprùn revient sur les soubassements philosophiques, les logiques historiques, les constructions intellectuelles et culturelles, qui ont conduit à rendre possible au coeur de l'Europe la réalisation de ce que Kant appelait le « mal absolu ».

De cette expérience des camps, Semprùn tire une connaissance de l'homme, et de sa capacité physique et intellectuelle à la résistance. Au coeur de l'enfer concentrationnaire, il a vu le courage de certains résistants communistes, et conservé intact le souvenir de ces intellectuels, amis, avec qui ils échangeaient le dimanche après-midi. Le souvenir d'hommes qui même entravés, parfois mourants, sont demeurés libres et lucides. Fidèles à l'idée qu'il se faisaient de la liberté et de la lucidité. Il n'est rien qu'admire davantage Semprùn que la lucidité, l'intelligence d'anticipation dont on pu faire preuve des auteurs comme Hermann Broch ou Elias Canetti. Citant Emmanuel Levinas, Semprùn écrit : « L'alouette qui salue le soleil, tout le monde peut en faire autant. Tout le monde est capable de saluer l'aurore. Mais distinguer dans la nuit obscure de laube, la proximité de la lumière avant son éclat, l'intelligence c'est peut-être cela ».


La suite de cette critique est à lire dans la Revue Esprit critique en cliquant ici...

2 commentaires:

Le badaud a dit…

Nouvelle présentation : Le badaud est sous le charme.

Nicolas Vignolles a dit…

Merci badaud !
A partir de septembre, je compte écrire plus régulièrement et retrouver le fil de ma plume...