5.4.06

Ma vision des choses




D'emblée une mise au point, je suis partisan du réformisme radical proposé notamment par DSK et porté en leur temps par Michel Rocard ou Jacques Delors. Je crois à une gauche qui joue la carte du programme réaliste . Je crois à la construction d'une gauche moderne. A la nécessité de dépasser un socialisme d'accompagnement, qui soigne les maux sans s'y attaquer. Il faut rentrer dans le temps de la social-démocratie, dans laquelle les effets néfastes produits par le capitalisme sont combattus à la source. C'est le capitalisme dans sa façon de produire de l'inégalité qu'il faut transformer. Il faut en finir avec le traitement a posteriori des maux et la dénonciation du capitalisme en tant que système économique. Le capitalisme doit être transformé, pas combattu! La répartition des richesses produites a besoin d'être repensée. L'actionnariat salarié est une bonne piste.
Soyons clairs! Pour DSK, le marché n'est pas un mal mais il n'est pas non plus un tout. Pour lui, le contrat unique avec capitalisation de droits au fil du temps, dans le cadre d'une sécurisation des parcours professionnels est une réponse adaptée au problème du chômage mais aussi au problème de précarité de ceux qui, bien que travaillant, sont pauvres. Pour inciter les entreprises à embaucher en CDI, il propose de jouer sur la fiscalité des entreprises et notamment l'impôt sur les sociétés : plus vous jouez le jeu de l'emploi stable, autrement dit plus vous montrez concrètement que vous êtes une entreprise qui investit dans son personnel, moins l'Etat vous ponctionne.

Je ne suis pas d'accord avec l'ensemble des idées de DSK mais dire aujourd'hui que la modernité est à droite me fait doucement rigoler. La droite actuelle est bien plus conservatrice et archaïque que son état-major tente de nous le faire croire. Il faut suivre de près ce qui se passe à l'Assemblée pour le ressentir. Même l'UDF se sent de plus en plus mal à l'aise avec de tels voisins de majorité! Récemment et pour donner un exemple concret de ce conservatisme: les Députés viennent de vider de son contenu la loi SRU obligeant à construire 20 % de logements sociaux. Grâce à l'amendement Ollier qui modifie la loi Borloo d'"Engagement national pour le logement", exit les 20%. Faire bouger les choses, être "moderne", c'est aussi mettre fin aux fractures spatiales et sociales. Pas qu'avec des mots mais avec une loi contraignante. Contraignante pour les élus locaux qui n'ont pas compris le message de novembre 2005. L'UMP a décidé que l'urgence, c'était les mots, pas la loi.

Concernant le regard que je porte sur les manifs anti-CPE, je dirais qu'elles m'ont semblé justes dans leurs motivations, mauvaises dans leurs revendications, affligeantes dans leurs débordements. Je m'explique. Le CPE est une mauvaise mesure selon moi car elle ajoute un contrat de travail à une liste déjà impressionnante. Qui plus est, elle envoie un mauvais message: la précarisation du contrat serait la solution à l'embauche. Faux, et économiquement, et socialement, et humainement. Ce n'est pas être marxiste -d'ailleurs Marx, que je relis actuellement, est bien plus complexe dans sa pensée que ceux qui ne l'ont pas lu peuvent se l'imaginer - que de dire cela, c'est connaître aussi le fonctionnement d'une entreprise. C'est par exemple connaître le rapport récent de l'OCDE sur le lien supposé entre facilité de licenciement et niveau d'emploi.

Je suis contre le blocage des universités car ils ne sont pas démocratiques. Ils sont même complétement illégaux. Je suis contre les grèves à répétition qui fragilisent un peu plus notre économie et la cohésion nationale, en creusant de nouveau la fracture entre salariés du public et salariés du privé. Et pourtant,comme près de 65 ou 70% de Français, je n'accepte pas qu'au nom du "réalisme", de la "nécessité d'ouvrir les yeux sur le fonctionnement même du monde", on tente de créer des salariés corvéables à merci.
Contrairement aux stéréotypes de droite, pour laquelle un anti-cpe est forcément un jeune qui rêve d'un monde qui n'est pas. Un jeune naïf face à une réalité sociale et économique qu'il ne connaît pas. Un jeune grogui par le rabâchage de clichés gauchistes sur le "méchant patron". Ce jeune, au tee-shirt à l'effigie du Che, incapable de prendre des risques car élevé et entretenu dans l'illusion de l'assistanat. Je crois, moi, comme tous ceux qui veulent une rénovation dans ce pays, que les jeunes français n'attendent qu'un projet motivant pour retrouver du peps. La précarité est ausi psychologique.
Une gauche responsable se construit. Fière de ce qu'elle a fait en 1997 avec Lionel Jospin. Consciente de ses ratés. Pas une gauche tiède, pas une gauche qui renie le socialisme réformiste. Pas une gauche qui accepte de se faire donner des leçons de gestion et de gouvernance économique par des bâtisseurs de croissance molle. Une gauche qui a bien compris que l'économique est au service du social. Que le social a un coût. Que le financement global des finances publiques doit passer par des efforts, notamment sous la forme du non renouvellement des fonctionnaires partant en retraite. Une gauche, enfin, qui a compris, que notre modèle social devait être modernisé.
Mais la gauche, battue sur la question de l'insécurité, n'oubliera pas de rappeler qu'un bilan doit être fait. Pourquoi serait-on plus exigeant en la matière pour la gauche que pour la droite? Posez-vous la question: la droite a t-elle réussi économiquement (l'argument de la croissance mondiale ne tient plus aujourd'hui)? La droite a-t-elle fait baisser l'insécurité? A-t-elle baissé la fiscalité comme promis?
Il faut exiger qu'en politique, on soit comme dans le monde économique, jugé sur ses actes, jugé sur ses résultats. C'est selon moi la meilleure façon de concevoir l'action politique et son évaluation par le citoyen. Les Nord-Américains parlent en la matière d'accountability, c'est à dire de l'exigence éthique pour le politique de rendre compte aux citoyens de son action à l'issue de son mandat. Le même droit d'inventaire, au-delà des palabres électorales, doit être exigé! Sarkozy, Villepin, Chirac ont peut-être un projet pour la France. Certes. Ils ont aussi un bilan. Non?
A l'heure du bilan, j'espère que le réalisme sera de mise.

6 commentaires:

Nicolas Vignolles a dit…

Merci Max pour ton comment! C'est vrai, je ne nie pas qu'il reste du boulot à la gauche pour se débarrasser de certains archaïsmes. Je suis d'accord avec toi aussi sur le fait qu'il faut quelqu'un de courageux, prêt à réformer, y compris en étant impopulaire. Le seul problème, c'est que je ne crois pas que Sarko propose les bonnes réformes. C'est là tout le problème.

Quand à Blair, je crois qu'un regard plus objectif doit être porté sur le Royaume-Uni, et notamment sur la politique de Tony Blair. Je recommande d'ailleurs à ceux que le "modèle britannique" intéresse, à se plonger dans le livre rédigé par Philippe Auclair et intitulé "Le Royaume enchanté de Tony Blair". On en ressort avec une connaissance plus juste, une vision plus équilibrée de ce pays.Loin des fantasmes de la "troisième voie"...
Bises!

Nicolas Vignolles a dit…

Maintenant que, à mon grand regret, le CPE est enterré, je ne vais pas m'étendre sur la question.
Simplement, pour rebondir brièvement sur "ta vision (rosée) des choses", je suis ravi de constater le contraste entre ta lecture positive de la politique française (nous avons au moins cela en commun) et le pessimisme ambiant qui met une partie de la France et une grande partie de la gauche au point mort.
Je suis frappé de constater la stérilité des derniers mouvements sociaux et politiques : 1/ Le NON au réferendum sur la traité de constitution européenne a débouché comme prévu sur un statut quo confirmant l'Europe et ses failles qu'ils réprouvaient 2/ La lutte anti-CPE et l'échec du gouvernement ne résoudront en rien le problème du chômage des jeunes. Bien au contraire. Qui ne tente rien n'a rien et 100% des gagnants ont tenté leur chance. Seulement voilà, tenter sa chance devient une tâche bien délicate dans la France d'aujourd'hui.

Anonyme a dit…

Nico main droite, ok pour tenter sa chance, mais il faut quand même avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaître ses erreurs. On peut mettre une heure, un jour ou deux mois, mais y'a un moment où c'est la seule solution, à moins d'être persuadé d'être détenteur de la vérité, la vraie, la bonne.

ok pour des réformes, mais des réformes réfléchies et en concertation avec un minimum d'acteurs.
Pour le CPE, je crois que PERSONNE n'en voulait, à part quelques irréductibles. Même le petit nicolas n'en voulait pas...

Pour moi le problème avec cette histoire de CPE, c'est que effectivement on est dans un pays ou la réforme est difficile et ou les mouvements sociaux sont récurrents. Ce qui fait que les manifs ont été vues, au départ, comme "une de plus", et déjà décridibilsées. Or, à mon sens, il s'agissait d'un vrai mouvement, preuve en est la mobilisation qu'il a connu. Les jeunes étaient vraiment pas d'accord, et il n'était pas question (pour tous) de manifester, juste pour glandouiller un peu et parce qu'il fait beau... Faut pas déconner non plus.

Donc de fait, on a pas cru aux premières manifs pour cause de 'trop de manifs tout le temps en France', on avait un premier ministre un peu trop sur de lui, et du coup on est arrivé dans cette impasse.

pour moi l'argument de 100% des gagnants ont tenté leur chance, ça marche au Loto, en politique, je suis moins sûre.

Enfin, juste un dernier mot la dessus, pour les adeptes de notre gouvernement, n'oubliez pas que c'est l'entêtement de ce premier ministre qui a fait la dissolution en 1997....

A bon entendeur...

Anonyme a dit…

bon je me suis un peu emballée, mais néanmoins je' pense ce que j'ai dit ;-)

Nicolas Vignolles a dit…

Merci Po pour cette vive intervention. Je comprends ton point même si tu ne nous dis en quoi, selon toi, le CPE était une mauvaise mesure.
Par contre, je pense que tu as tord lorsque tu dis :"Pour le CPE, je crois que PERSONNE n'en voulait, à part quelques irréductibles."
Certes, le libéral que je suis est malheureusement relativement minoritaire.
Pourtant, dans le monde du travail, dans lequel j'évolue désormais, je n'ai trouvé que très peu d'opposition au CPE. Et je ne pense pas n'être entouré que d'irréductibles.
J'ai simplement autour de moi des actifs, réalistes, conscients à la fois du potentiel de la jeunesse et de ses handicaps à l'arrivée sur le marché du travail. Conscients aussi du besoin de flexibilité à tous les niveaux de la société et de la mouvance perpetuelle de la réalité internationale.
Effectivement on est loin de l'utopisme révolutionnaire de l'étudiant en sociologie...

Nicolas Vignolles a dit…

Je n'étais pas d'accord avec tt ce qui fut dénoncé dans le CPE. Je reconnais qu'à y regarder de près, il existait bel et bien des protections en cas de rupture du contrat. Des protections plus importantes que dans d'autres contrats. Contrairement à ce qui fut souvent dit, le CPE ne permettait pas de licencier sans indemnités.
Le problème du CPE n'est pas là pour moi. Le problème, c'est qu'on crée un nouveau contrat au lieu de faire le choix courageux du contrat unique, avec capitalisation des droits au fur et à mesure. Il faut arrêter de créer autant de contrats, autant de statuts différents! un Cdi pour tous avec des droits identiques mais avec comme pendant,côté entreprise, une plus grande souplesse pour licencier. Ce nouveau "droit du travail" ne peut vraiment marcher que si les services de l'emploi sont dopés en personnels et en moyens. En finir avec la seule ANPE et ses moyens limités.Nouveau droit du travail, nouvelle politique de l'emploi!!