29.2.08

"Le PS de 2008 loin de la SFIO de 1958" (Ouest-France, 29 février)


Par Jean-Jacques Urvoas
Député du Finistère
Premier secrétaire de la fédération socialiste du Finistère


Jean-Pierre Rioux (Ouest-France du 13 février) vient de railler le PS en le ramenant à la « SFIO de 1958 ». S'il est heureux que la comparaison avec son propre passé soit encore possible, et pour tout dire normal d'y lire une filiation, cette antienne est erronée, le PS de 2008 n’a rien à voir avec son ancêtre d’il y a 50 ans. Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les trois arguments avancés.
« Même isolement social loin du peuple » est-il affirmé. La fragilité de l’argument tombe de lui même. D’abord, pour ne retenir que des élections comparables, aux législatives de 2007 les socialistes rassemblaient plus de 7 millions (soit 27,64 %) et au second tour, 186 d’entre eux entraient à l’Assemblée. Ce tableau n’a que peu de points communs avec la législative de 1956, où la SFIO totalisait 14,92 % et seulement 94 députés contre 150 au PCF.
Ensuite, parce qu’en ces temps pré-électoraux, les sondages indiquent de façon convergente que les
électeurs s’apprêtent à favoriser les équipes conduites par des socialistes pour gagner des municipalités et des cantons sur la droite. Enfin, parce que le PS est, à gauche, le seul à prétendre pouvoir incarner l’alternance.
«Même capacité à appréhender le réel, la décolonisation hier, la mondialisation aujourd’hui » est-il secondairement reproché. C’est un refrain éventé. Sempiternellement, quelques esprits chagrins tentent d'enfermer les socialistes dans une histoire étroite, quelque part entre 1789 et 1871. Il faut alors redire que le PS a depuis bien longtemps adopté la culture de la réforme et que son rapport à l'exercice du pouvoir est aujourd'hui décomplexé. La cohérence dont témoigne l'histoire des réformes conduites par le PS de 1981 jusqu’à 2002, démontre que sur l'Europe, la globalisation, son lien avec la société civile et sur sa pratique même du pouvoir, l'aggiornamento s'est fait pendant l'exercice même des responsabilités. Il ne faut pas attendre du PS un Bad Godesberg qui s'est déjà en partie produit.
Enfin exécutent les procureurs « même prospérité du socialisme municipal, même sclérose des grosses fédérations face à Paris, même atonie du groupe parlementaire ». La critique est osée. Que faut-il y lire ? Que le PS a trop d’élus locaux ? Mais n’est-ce pas là la vocation d’un parti d’autant que le contexte juridique depuis 1982 (réforme de gauche) a été bouleversé. Les élus de 2008 ne sont que des lointains parents de ceux de 1958. Grâce à la décentralisation, ils n’attendent pas de ramasser la misère pour en faire commerce. Ils ont un devoir, comme socialistes : être utiles à leurs concitoyens partout où ils sont en responsabilité.
Est-ce qu’alors nos parlementaires seraient inaudibles ? Mais qui conduit l’offensive contre la rétention de sûreté, contre le démantèlement des services publics, contre la création d’un bouclier fiscal ? Qui saisit in fine le conseil constitutionnel ? Est-ce enfin notre organisation militante qui serait déficiente ? Sans doute mais elle ne demande qu’à s’enrichir de nouveaux talents. De fait, en Bretagne comme en témoignent les succès successifs (demain inéluctablement c’est le Morbihan qui basculera), les socialistes ont toujours été les acteurs d'une gauche ouverte et évolutive, fidèle à ses valeurs de justice et d’égalité mais refusant l'enfermement idéologique. C’est ainsi qu'ils ont pu convaincre et su fédérer.
Alors décidément, non, le PS du XXIème siècle ne ressemble pas à la SFIO de la moitié du XXème. Mais il n'oublie pas pour autant qu'en 1920, au Congrès de Tours, celle-ci demeurait la « vieille maison » défendue par Léon Blum, attachée à la démocratie, au suffrage universel, au parlementarisme et au réformisme...

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