26.4.07

Le choix

Alors voilà donc le débat du 6 mai posé ; le choix est clair. Deux personnalités relativement neuves et surtout, au-delà des tempéraments, deux projets de société très différents. Merci à ceux qui annonçaient depuis des mois que le clivage droite-gauche avait vécu ! Largement vrai dans l’analyse mais faux dans les urnes ! Ah ah ! On disait cette frontière obsolète, d’aucuns la considéraient comme dépassée, usée, inopérante face aux nouveaux enjeux d’un monde complexe, globalisé faits d’intérêts éclatés et atomisés, et au final, patatras, c’est encore deux visions de la société, de l’homme, de l’économie qui se font face à l’heure du choix. Désormais, ce n’est plus seulement onze candidats qu’on élimine, douze si l’on a fait le choix de s’abstenir ou de voter blanc, mais c’est un président qu’on élit. Dans le meilleur des cas une présidente d'ailleurs.

Je suis de gauche depuis que j’ai intériorisé combien la politique pouvait changer la vie des gens. J’ai toujours cru au levier incroyable, au pouvoir démultiplicateur du politique. Plus précisément au pouvoir démultiplicateur de la volonté politique. Rien n’est plus faux selon moi que le supposé dessaisissement du politique au profit de forces dominantes. C’est une idée qui est au fondement même de mon engagement politique ; la croyance absolue que la décision politique peut à elle seul courber le cours naturel des choses, corriger l’injustice, permettre aux hommes d’être vraiment libres. Les hommes ne naissent pas libres, ils naissent libres et égaux en droit ! La différence n’est pas mince, le « en droit » vient rappeler à qui veut bien l’entendre qu’il a fallu un combat politique pour faire admettre ce qui semble aujourd’hui une évidence tombée des cieux ! La politique peut tout si elle veut tout. Elle seule par exemple, et c’est essentiel, peut permette le miracle du « vivre-ensemble ». Ce n’est pas rien tout de même. Ni le marché, auquel je crois en économie, ni Dieu, auquel chacun est libre de croire ou non, ni la pure force, à laquelle le temps finit tôt ou tard par s’attaquer, ne sauraient rivaliser.
La politique peut tout changer, à la condition de le vouloir. Voilà pour le décor.

Comment choisir le 6 mai ? Je ne pose pas la question avec en tête le sombre dessein de vous influencer. Je veux au moins tenter de poser certains enjeux. C’est immodeste mais je l’assume parfaitement.
D’abord, je crois qu’il faut avoir en tête que derrière un visage, une voix, une gestuelle, un tempérament, un parcours, une façon d’être, il y a une politique. Cette orientation n’est ni neutre pour le pays ni sans conséquence sur nos vies.

Je ne céderai pas à la caricature. J’y ai déjà cédé dans le passé. C’est de bonne guerre. Le combat d’idées a besoin parfois d’un peu d’huile, et le dessin à gros traits s’avère très souvent une tentation facile donc délectable. Je n’y céderai pas ici même si beaucoup à droite comme à gauche s’y complaisent encore.

Je veux ici vous dire que je ne me résous pas à laisser se construire une société que je crois profondément contraire à ce que je suis, à ce que je veux pour mes amis, à ce que je veux pour me parents. Evacuons les questions de personne…Oh et puis juste un mot tout de même !

Je crois que Nicolas Sarkozy est un homme de caractère, doté d’une vraie force de conviction et assuré d’une volonté inébranlable de réussir. Pas de conquérir le pouvoir mais bien de réussir. C’est un gagneur quoi. C’est un impératif pour quiconque aspire à diriger la France. Assurément, Nicolas Sarkozy en à la trempe.
Je crois que Ségolène Royal est une femme d’une pugnacité inouïe, forte d’une foi en sa personne inaltérable et habitée par le sentiment de porter un projet politique neuf, et dans ses objectifs et dans sa méthode. C’est une croyance louable pour celle qui souhaite présider au destin de la France. Assurément, Ségolène Royal en a l’étoffe.

Mais voilà, l’élection, ce n’est pas que ce choix-ci, c’est d’abord pour moi l’adhésion à un projet, à une vision du monde. Je crois moins en les responsables politiques que dans les idées qu’ils portent. Je crois à la force des mots, à leur gravité, à l’impact des lois, aux conséquences directes des décisions politiques sur la vie des simples gens.

Alors quels projets restent en course ?

Prenons trois exemples, au-delà des 2/3 de propositions qui, sans se rejoindre, prennent des directions assez proches.
1. L’emploi. 2. L’Europe. 3. Le développement durable.

Nicolas Sarkozy c’est notamment…
1)
35 h plancher, toutes les heures supplémentaires payées 25 % de plus et non imposées (les rentrées fiscales manquantes seraient compensées par la création d’une TVA sociale, particulièrement injuste pour les revenus les plus modestes qui consacrent une plus grande part de leurs revenus à la consommation)
Mise en place d’un contrat unique sur le modèle du CNE (licenciement sans motif de la part de l’employeur, plus d’argent sur une courte période pour le chômeur)
Un arsenal fiscal touchant d’abord les revenus les plus élevés : suppression des droits sur les successions et donations (seules les 20% de donations et successions les plus hautes font aujourd’hui l’objet d’une imposition)

2)
Un nouveau traité européen (version raccourcie) adopté par voie parlementaire.
Fin des négociations d’adhésion avec la Turquie (ouverte depuis 1963…)

3)
Développement de l’EPR et choix du nucléaire comme énergie prioritaire pour l’avenir.
Pas de n°2 du gouvernement en charge du DD
Mise en place d’une fiscalité écologique en matière de construction et sur l’achat de véhicules propres (TVA à 5,5%)


Ségolène Royal, c’est notamment…

1)
Une Conférence nationale sur la croissance et les salaires réunissant tous les partenaires sociaux pour rediscuter de toute la hiérarchie des salaires (pas seulement le Smic).
Création d’un Revenu de Solidarité Active pour valoriser le travail par rapport aux revenus de l’assistance. Celui qui retrouve un emploi se voit encourage par le versement de ce RSA qui lui permet de bien voir la différence avec la situation de chômage qu’il vivait antérieurement.
Maintien du niveau des prélèvements obligatoires mais baisse du train de vie de l’Etat et notamment du budget de l’Elysée (le réformisme est aussi dans les symboles en politique !)
Abaissement de l’impôt sur les sociétés selon le système du gagnant-gagnant avec les entreprises (moins de charges si plus d’embauches, hausse des salaires ou investissemnt R&D dans les entreprises réalisant des profits).

2)

Un nouveau référendum sera organisé sur un traité européen comprenant des garanties sociales. (Respect strict du parallélisme des formes en droit : un référendum appelant un référendum)
Construction de l’Europe par « la preuve » (accord avec Merkel et Zapatero sur une méthode de relance très pragmatique autour de la valorisation de faits positifs qui feraient l’objet d’une communication particulière et pédagogique en France et en Allemagne)

3)

Création d’un poste de Vice Premier ministre ayant autorité en matière de développement durable quelque soit le dossier abordé : éducation, transport, économie, énergie, etc.
Maintien du nucléaire mais baisse de sa part dans le total du dispositif français au profit des énergies renouvelables avec comme objectif d’atteindre 20% en 2020.
Une fiscalité incitative pour les entreprises jouant la carte écologique.
Moratoire sur les essais d’OGM en plein champ et poursuite des tests en laboratoires.



J’avais deux trois choses à vous dire. Alors voilà. Je n’espère pas vous convaincre car le vote se fonde sur d’obscurs déterminants, qu’un simple texte, pardon qu’un texte simple ne saurait perturber, mais enfin, j’aurais au moins étanché, ne serait-ce qu’un petit peu, ma soif de tout vous dire.

Bon choix.

4 commentaires:

мΛж a dit…

Merci pour ce post qui eclaire bien Nicolas. Toutefois, je pense toujours voter blanc parce que le choix ne me convenant pas, je ne veux pas etre responsable, plus tard, de ma propre insatisfaction.

Enfin le clivage gauche-droite n'est peut etre pas encore totalement depasse, mais voir un ancien PM du PS appeler a une alliance gauche-centre-droite, voir l'UDF (le PD ;-) faire 18.5%... tout ca cela laisse presager un changement, non?. Le fait que la gauche, apres 12 ans passes dand l'opposition d'un gouvernement immobile et impopulaire, ne recolte que 25% des suffrages, quand le parti du pouvoir (celui meme des chirac et villepin a la TRES faible popularite) sort gagnant avec 31%, cela dit quelque chose sur la force du clivage gauche-droite. Au contraire, pour moi l'enseignement de ce premier tour c'est que seulement 56% des francais (sans doute beaucoup moins si l'on enleve les gens qui ont vote sarko et sego parce qu'ils les ont trouve jolis/sympas dans Voici) pensent que le clivage gauche-droite tel qu'il existe a encore un sens. Je fais partie des 44 autres pourcent, et reve encore d'un gouvernement alliant Strauss-Kahn, Delors, Bayrou, Borloo, etc. qui travaillerait pour la France, et pas pour un parti....

max

nico (l'autre): envoye moi un email, je connais pas ta nouvelle adresse

Nicolas Vignolles a dit…

DSK à Matignon en cas de victoire de Ségolène Royal, c'est acté depuis mercredi...
Par ailleurs lors des dernières interventions télé, il faut être sourd ou aveugle pour ne pas voir la très nette inflexion donnée par Royal dans sa campgne : critique constructive des 35 h (hier TF1), 6ème république ou encore création d'un revenu de solidarité active pour encourager le travail plutot que l'assistance...

Il manque quoi pour être social-démocrate ? c'est la première à avoir dit que Blair était une source d'inspiration possible en économie.

C'est sa voix, son costume, le fait qu'elle ait battu bayrou ? le fait qu'on la dise cassante et autoritaire, autrement dit qu'elle a les qualités d'une présidente ?

Je suis sûr qu'en dix jours, tu peux encore changer d'avis et ne pas voter blanc!

Nicolas Vignolles a dit…

Fiscalité:l'incompétence de Sarkozy!


Intervenant sur TF1 avant hier soir, Nicolas SARKOZY a indiqué ne pas comprendre pourquoi la Slovénie pouvait baisser son impôt sur les sociétés alors que la France ne peut baisser son taux de TVA applicable aux restaurateurs.

On peut s’étonner de cette profonde méconnaissance des règles fiscales de la part du candidat de l’UMP qui fut pourtant successivement Secrétaire d’état au Budget puis ministre de l’Économie et des Finances.

Il convient donc de rappeler à Nicolas SARKOZY que la détermination des assiettes et la fixation des taux des impôts directs est du ressort exclusif des États membres. Il n’existe en la matière aucune obligation communautaire, à la différence de la TVA, dont les taux sont encadrés par des accords communautaires qui imposent un taux général plancher et un accord unanime pour y déroger sectoriellement, afin de lutter contre le dumping fiscal.

La démagogie de Nicolas SARKOZY, qui promet unilatéralement des baisses de TVA qui nécessitent l’assentiment unanime du conseil européen, est éminemment condamnable. Doit-on avoir la cruauté de lui rappliquer que l’UMP avait formulé cette proposition en 2002, avec le résultat que l’on sait ? L’harmonisation de la fiscalité en Europe, qui est absolument nécessaire, mérite de arguments et des objectifs clairs : c’est ainsi qu’en 1999 la gauche a demandé puis obtenu un taux de TVA réduit pour le secteur du bâtiment.

L’Union européenne doit se doter d’un impôt sur les sociétés, qui passe par une harmonisation au préalable des bases puis des taux de cet impôt.

мΛж a dit…

Oui c'est vrai je peux encore changer d'avis... Ce qui me gene chez Royal c'est le flou dans ses idess, son populisme, mais aussi son equipe (or lack thereof comme on dit ici). Maintenant elle promet Strauss-Kahn pour recuperer des voix, mais adhere-t-elle au projet? Ses penchants conservatistes sur le plan social me derangent aussi. Sarko a les memes defauts (populisme et conservatisme sur le plan social). Ou est donc passe l'ideal republicain francais, laique et juste?

Sarko a trop d'idees sur tout (on se demande bien pourquoi il va jusqu'a parler de genetique alors qu'on ne lui demande pas d'etre une eminence scientifique...). Ses mauvaises idees sont aussi mauvaises que ses bonnes idees sont bonnes. Il divise trop, c'ets un manicheen a l'americaine. Avec lui on risque fort de se retrouver dans la situation presente aux USA, ou les democrates et les republicains se croient au jardin d'enfant, entre attaques pueriles et incompetence chronique. Au final, c'est le peuple, dont tout le monde se fout, qui souffre.

De son cote Segolene, elle, n'a pas assez d'idees fixes et directrices. On sait que diriger "pour le peuple, par le peuple" est une utopie. Que cela laisse-t-il presager pour la France? Des negotiations sociales steriles qui n'en finissent jamais, et au final zero reforme. 5 ans de plus dans un pays qui a terriblement besoin de bouger (plus symboliquement que reellement, je l'admets, on n'est pas loin de ce retour au beau fixe que les allemands sont en train d'achever avec leur gouvernement d'union, ce type de gouvernements totalement impuissants si l'on ecoute certains).

Franchement, plus j'y pense, plus ce choix est dur. Attendons le debat! (le vrai, sego vs. sarko, je sais pas pourquoi Bayrou va se foutre dans le petrin avec ce debat inutile)