7.3.07

Etatisme, jacobinisme et modernité…à vous de voir.

J’ai décidé de prendre Sarko et Ségo aux mots. Intéressant de constater que la modernité n’est pas toujours dans le camp de celui qui la revendique le plus fort.
De mon point de vue, Ségolène Royal démontre et affirme au fil des semaines une certaine constance dans ses prises de position et dessine les contours assez clairs de sa future présidence. A l’inverse, Sarkozy souhaite tellement changé qu’il brouille le projet qu’il entend proposer aux Français. Il est un peu partout et nulle part vraiment.
Sur l’Etat, sa réforme et la volonté de promouvoir la décentralisation, Royal a un temps d’avance sur Sarkozy. Rien d’étonnant quand on sait que la décentralisation, cette réforme majeure de notre organisation administrative, s’est faite d’abord et surtout grâce à la volonté farouche de la gauche (les grandes lois Deferre), face au jacobinisme de droite.
Alors avant de se réfugier dans l'idéologique ou dans l'anathème, sur le mode « la gauche, l’étatisme, le goût de la dépense inutile… » ou "la droite, anti-étatiste, ultra-libérale...", jetons un œil sur les discours et comparons. Histoire de nuancer. Chiche?


Discours de Cormeilles-en-Parisis (Val d’Oise) 6/03/2007
« [L'Etat] C’est ce par quoi la société peut échapper à la tyrannie du court terme et à la myopie des marchés. »

« L’Etat c’est la seule force opposable aux marchés.
C’est la seule force opposable à toutes les fatalités.
C’est ce par quoi la destinée commune devient une réalité concrète.
C’est ce par quoi la politique peut s’inscrire dans la durée.
C’est ce par quoi la société peut échapper à la tyrannie du court terme et à la myopie des marchés.
C’est le contrepoids à la seule loi du profit.
C’est la seule digue contre les dérives d'une économie de prédateurs, de spéculateurs, de fraudeurs.
C’est la mutualisation des risques.

(…) Entre la décentralisation, l’Europe et la mondialisation, la crise de l’Etat et la crise de la nation se nourrissent l’une l’autre.
On ne résoudra pas cette crise en abaissant l’Etat.
On ne résoudra pas cette crise en prenant acte de l’impuissance publique et en organisant l’Etat minimum.
Je ne crois pas à la doctrine de l’Etat minimum. Je ne crois pas à la doctrine du laissez-faire. Je ne crois pas qu’en France l’Etat puisse être réduit à un rôle secondaire. Je ne crois pas que la nation puisse conserver son unité avec un Etat faible.
Je ne crois pas que la république puisse continuer d’exister sans un Etat fort.
Je ne crois pas que le capitalisme puisse survivre si le marché est tout et l’Etat rien.
Je ne crois pas à la démocratie d’opinion qui prétend opposer la société à l’Etat.

Discours de Villepinte 12/02/2007
« Donner un coup de jeune à cet Etat colbertiste, jacobin, centralisé à l’excès »


« Les Français, je l'ai également compris, aspirent à voir l'État réformer profondément sa gestion pour dégager des économies et donc des marges d'action.
(…) Nous devons agir, nous avons des structures centrales qui sont devenues beaucoup trop lourdes, nous avons trop de ministères qui, en dix ans, ont changé huit fois de périmètres et donc de dénomination, avec toutes les dépenses inutiles, toutes les pertes d'efficacité et tous les gaspillages que cela entraîne.

Il faudra réformer tout cela, alléger le poids de nos administrations et les mettre au service des citoyens. Il faudra soulager les administrations centrales qui s'épuisent à gérer des personnels répartis sur le territoire et les crédits de toutes sortes. Oui, il faut en finir avec cette lourdeur de l'État central qui engendre plus de textes législatifs ou réglementaires, bien souvent illisibles et inutiles.

(…) J'ai la passion du service public, je sais que les Français sont habités par la même passion. Je sais que les fonctionnaires aujourd'hui malmenés ont une conception exigeante de leur mission, c'est pourquoi cette réforme de l'État et des structures administratives, nous leur devons d'abord à eux, aux agents publics, et nous le devons à tous les usagers, et nous le devons parce que c'est là aussi que nous retrouverons des marges de manœuvre et des moyens de productivité et d'efficacité pour le pays.

Oui, ensemble, nous allons donner un coup de jeune à cet État colbertiste, jacobin, centralisé à l'excès, croulant sous le poids des bureaucraties inutiles. Ensemble, nous allons mettre l'État à l'heure de ce désir d'autonomie, de responsabilité civique et de liberté que j'ai senti monter d'un bout à l'autre de la France. »

2 commentaires:

Nicolas Vignolles a dit…

Très intéressant Nicolas.
Le premier discours, que l'on doit à Nicolas Sarkozy, est celui d'un candidat de la droite française, qu'on accuse d'ultra-libéralisme et qui appuye donc sur sa vision du marché et de l'Etat, beaucoup moins dogmatique que certains peuvent le penser.
Le second est celui de Ségolène Royal. La candidate PS insiste fortement sur la réforme de l'Etat. Elle répond ainsi aux critiques traditionnellement faites à la gauche sur son immobilisme vis à vis des structures de l'Etat, des fonctionnaires et de la dépense publique.

Il ne faut pas voir dans ces deux discours (qui ne sont, par ailleurs, que des extraits) une rupture ou un renversement du clivage droite-gauche. Ce n'est pour moi que des mises au point des candidats face à la caricature de leur pensée politique.

Nicolas Vignolles a dit…

Je suis d'accord sur ton analyse de ces discours qui traduisent des "mises au point".

Je crois qu'ils sont aussi le signe que si le clivage droite-gauche reste selon moi encore pertinent dans les méthodes, un certain nombre de priorités font consensus et se détachent clairement.

J'en vois trois :
-les finances publiques et notamment la question de la dette
- la croissance et l'emploi
- l'éducation, l'université et la recherche