6.3.07

Vive l'impôt !

Levez les tabous sur l'impôt et en finir avec une logique fiscale unique... et inique!
J'ai lu "Vive l'impôt !", de Liêm Hoang Ngoc, Délégué national du PS en charge de l'économie. Derrière le titre provocateur, principalement destiné à faire pousser des cris d'orfraies aux jeunes commerciaux "collets montés" de l'UMP, j'y ai vu l'occasion de puiser quelques réflexions alternatives en matière d'impôt. Quelques pistes permettant de repenser ce pilier fondateur de la citoyenneté et d'en saisir toute l'utilité sociale.
Rappel précieux en la période : l'impôt, aussi, fait la nation.
Cette critique est également publiée dans la News des livres (n°76, mars 2007) de la Fondation Jean Jaurès.

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Première page, premiers mots. Le ton est donné. « Deux siècles après la Restauration de 1815, les conquêtes de la révolution française sont à nouveau menacées ». L’entrée en matière est incisive et le lecteur prévenu. Qu’on se le dise, Liêm Hoang-Ngoc est résolu à en finir avec la logique du cens pour redonner à l’impôt tout son sens !

Aux paradigmes dominants, aux partisans nombreux du moins d’impôt, il oppose une approche citoyenne et solidaire de la fiscalité. Il rappelle à ceux qui veulent bien l’entendre, qu’à l’instar du vote, l’impôt est un attribut essentiel de la citoyenneté.

Il n’est pas qu’un choix de pure technique mais révèle une vision du monde. Derrière les questions d’assiette, de taux, ou de rendement, derrière la question inaudible du chiffre, de sa complexité, ce sont des choix politiques décisifs qui s’opèrent. L’impôt, c’est la mise en chiffres d’une ambition politique ! Rendre la société et donc l’impôt plus justes, voilà toute l’ambition de la gauche. Cela suppose de réinventer l’impôt, de le rétablir dans son utilité sociale. Ni plus ni moins.

Le propos est construit en deux temps. Raisonnement par la négative d’abord. Propositions et réponses aux sceptiques ensuite.

En revenant d’emblée sur les « théories de l’offre », sur les tentatives déçues de ses plus ardents précepteurs, c’est finalement le lien entre baisses d’impôts et croissance économique que Liêm Hoang Ngoc parvient à démonter. Il s’attaque ainsi avec succès à la vulgate néolibérale, à un discours installé, érigé depuis maintenant quelques années en indépassable horizon. L’impôt serait un frein à la liberté d’entreprendre, une entrave dans le contexte de concurrence fiscale, une ponction préjudiciable et coûteuse en économie ouverte. Dire cela ne doit plus soulever de questionnement et relève désormais pour beaucoup du registre simple de l’évidence.

La conversion de la droite française à ce discours, d’une partie de la gauche aussi, n’a pas pour autant permis de créer une dynamique économique vertueuse. Elle a même contribué, selon l’auteur, à maintenir la croissance française dans une situation d’atonie durable. Le pacte de stabilité, symbole de cette politique de courte vue, compromettrait les possibilités de croissance future, en comprimant notamment un certain nombre de dépenses d’avenir liées à la recherche. L’économie se serait en fait figée. Ce que nous dit Liêm Hoang Ngoc, c’est qu’il y a là un choix de société assumé. On redistribue moins, on fige en l’état et on assure la survivance des inégalités les plus criantes. Bref, c’est la Restauration !

Petit détour historique par un grand renversement de l’histoire… Liêm Hoang-Ngoc nous balade. Et il y a quelque chose de plaisant dans cette balade. Et même pour tout dire d’utile. On se rappelle par exemple que l’impôt est un excellent révélateur, qu’on peut lire à travers lui l’état d’une société, comprendre ses valeurs et ses ambitions collectives. Pour l’auteur, la période que nous traversons serait donc celle du retour aux vieilles antiennes, aux logiques d’Ancien régime. La Restauration, ce n’est pas rien tout de même ! C’est cette période de l’Histoire de France qui voyait la propriété foncière asseoir la position sociale et conférer l'aptitude à exercer des droits politiques...

Pour le sans-culotte Hoang Ngoc, la remise en cause de la progressivité de l’impôt sur le revenu, la création d’un bouclier fiscal ou encore le projet de suppression des droits de succession participent d’une logique unique et redessinent les contours d’une même société. Une société que l’on pensait disparue. C’est, pour paraphraser l’auteur, la « revanche du rentier ».

Le décor est planté. C’est là qu’arrive notre tonitruant « vive l’impôt » ! Acte II donc ; dans l’ordre, rideau, entrée en scène fracassante et propositions de réforme.

En matière d’imposition, il faut à la fois la justesse et la justice. Juste diagnostic de la réalité sociale d’abord, rétablissement des termes de l’équation fiscale ensuite. Confronté aux demandes de protections, sommé de répondre à l’exigence croissante de solidarité nationale, l’Etat doit repenser non pas tant son modèle social que la manière de le financer. Voilà pour l’équation. Reste sa résolution.

L’une des pistes proposées consiste en un basculement du financement de toutes les dépenses universelles sur l’impôt. Un nouvel impôt citoyen dont on nous dessine à grands traits la possible architecture : fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu d’un côté, création d’une CSG entreprises assise sur la valeur ajoutée, de l’autre. Au passage, Ngoc distingue clairement cette dernière proposition, qui souhaite mettre à contribution les profits, de l’idée de « TVA sociale » qui entend elle peser sur la consommation des ménages. Le basculement d’une assiette salaire vers une assiette valeur ajoutée n’est pas seulement juste socialement, il est aussi efficace fiscalement ! Pour Liêm Hoang Ngoc, le nouvel impôt se traduirait à la fois par un taux de contribution plus faible et par « un rendement supérieur et à peu près constant ». La CSG entreprises aurait enfin comme vertu de desserrer la contrainte pesant sur les PME riches en main d’œuvre et viendrait à l’inverse taxer plus lourdement « les grandes entreprises extrêmement profitables » « ayant ajusté à la baisse leur masse salariale ». Quant aux PME qui doivent être en capacité d’investir massivement dans la recherche et d’amortir ces investissements par la suite, Liêm Hoang Ngoc propose de prendre en compte pour elles une assiette plus étroite excluant les amortissements, et de lui faire correspondre un taux de contribution plus élevé.

Fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, amélioration de la progressivité de l’impôt, élargissement de l’assiette en supprimant notamment la tranche à taux zéro, création d’une CSG entreprises assise sur la valeur ajoutée, Liêm Hoang Ngoc donne les pistes possibles « d’un impôt républicain authentiquement solidaire ».

Drôle de sans-culotte tout de même ce Liêm Hoang Ngoc, qui finit par redonner à l’impôt ses lettres de noblesse !

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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Vive l'impôt, tant que ce qu'il rapporte est bien géré.

Au Japon, même sur les petits salaires comme le mien, une somme est prélevée, à la source. En fin d'année fiscale (en ce moment), j'ai rempli une déclaration via internet et eu la bonne nouvelle d'apprendre que les impôts allés me rembourser un montant intéressant... Vive les impôts qui payent !

A regarder: un oeil sur la France

http://oeil-sur-la-planete.france2.fr/17196318-fr.php

Nicolas Vignolles a dit…

Tu as raison. Cette émission était très intéressante, comme souvent (cf : celle consacrée à l'Iran le mois précédent).

Juste pour affiner ma pensée: je suis pour stabiliser le niveau d'imposition en France et un réajustement des tranches.

Tout le monde devrait être assujetti à l'impôt sur le revenu même si la contribution est très faible. Ce serait une manière de responsabiliser les individus, y compris les bénéficiaires de prestations sociales et d'allocations. Ce serait aussi le symbole de leur "réintégration" à la Nation!

A l'inverse, l'ISF doit être maintenu et le bouclier fiscal, combattu (il ne concerne que 400 000 contribuables me semble t-il).
Je suis pour un impôt sur le revenu avec DIX TRANCHES ET MOINS DE NICHES FISCALES INDECHIFFRABLES. Ces niches complexifient la lecture et la compréhension de l'impôt et viennet surtout satisfaire des revendications catégorielles.

En augmentant le nombre de tranches, on augmenterait la progressité de l'impôt!

Par ailleurs, une vraie réflexion sur l'impôt le plus injuste, celui qui pèse sur la consommation devrait être menée rapidement. JE SUIS POUR LA CREATION DU PREMIER IMPOT EUROPEEN : "UNE TVA EUROPENNE". On pourrait y venir rapidement avec les pays qui y sont d'accord et avancer au sein d'un premier groupe pionnier.

Créer une tva européenne contribuerait à diminuer le dumping par les coûts entre voisins européens. Il aurait enfin l'avantage, de faire naître un vrai sentiment d'appartenance à l'Europe.

Par l'impôt, on fait une nation.

Nicolas Vignolles a dit…

Vive l'impôt certes.
Mais cela impose à l'Etat, rigueur, justice et efficacité dans l'utilisation et la redistribution des fonds publics.

Vive l'impôt certes.
Mais pas n'importe quel niveau de prélévement car l'impôt ne doit jamais nuir à l'activité économique, au contraire, il doit l'accompagner et l'aider à prosperer.

Vive l'impôt certes.
Mais s'il peut avoir une valeur symbolique comme tu le soulignes, il ne doit jamais avoir de bases dogmatiques... C'est pourtant le cas de l'impôt sur la fortune, vieille vengeance de la gauche qui n'aime pas les riches (François Hollande a encore eu l'occasion de le rappeller en 2006 chez Arlette Chabot).

Vive la réduction des déficits.

Anonyme a dit…

Nous pourrons parler des impôts dimanche ou lundi ou mardi soir lors d'un dîner à Paris ?
Puisqu'il semble que vous soyez joignable via ce blog...

Nicolas Vignolles a dit…

Dis donc Thomas, ce n'est pas tout à fait un blog de rencontres ici!
Je te propose un dîner-débat mardi soir à 20h30 dans un restaurant charmant dont je n'hésite pas à faire la publicité: "le bistrot d'en face", rue du docteur Finlay, Paris 15è.
Débat prévu sur le thème "Saint Etienne, dette publique et... art toys"!

Nicolas Vignolles a dit…

la main droite sera là également ! Ravi de te voir Tom.

Anonyme a dit…

Mort aux droits de succession