27.6.08

Un risque pour la France

"Je ne vous mentirai pas, je ne vous trahirai pas, je ne vous décevrai pas"...Mais à qui donc s'adressait ce message délivré le 7 mai 2007 place de la Concorde ?

Il est des billets plus difficiles à rédiger que d'autres, ce sont ceux pour lesquels il vous vient tant de choses à écrire que vous finissez par ne plus savoir que dire. C'est le cas aujourd'hui. Je commence donc par vous donner mon état d'esprit : je suis consterné. Pas abattu mais consterné.

Consterné de voir ce que parvient à faire accepter sans broncher ou presque à notre pays Nicolas Sarkozy. L'une des plus belles avancées, libérales au sens noble du terme, obtenues par François Mitterrand, je veux parler de l'autonomie de la télévision publique, vient d'être battue en brèche de manière autoritaire. Cette décision a fonctionné en moi comme un déclic : et si Nicolas Sarkozy était vraiment porteur d'un risque pour la France ?

Je veux que chacun soit bien conscient de ce qui se joue depuis plusieurs mois maintenant en France.
Désaveu sur la scène extérieure avec un Président peu apprécié des autres dirigeants européens (voir la Chancelière Merkel), ridiculisé par Khadafi, ne maîtrisant en aucune circonstance ce qui pour moi demeure un élément important de notre diplomatie ; la maîtrise des apparences et des symboles. Ce ne sont pas les invitations du chef de l'Etat lybien ou même syrien qui pose réellement problème, tant l'idée de dialoguer avec tous les dirigeants peut s'avérer pertinente sous certaines conditions. Ce qui est choquant, c'est de recevoir Kadhafi en visite d'Etat durant cinq jours, avec tente bédouine dans les jardins de l'hotel Marigny et visite de l'Assemblée nationale, lieu sacré de la République et des droits de l'homme. Ce qui choque encore, c'est de recevoir Assad le 14 juillet, jour de notre fête nationale, commémorant tout de même une révolution dont l'achèvement fut la République...
Sur le plan intérieur, je suis consterné par la politique d'expulsion et de traque organisée par Sarkozy et Hortefeux. Personne ne dit qu'il ne faut pas lutter contre l'immigration clandestine mais il est scandaleux de fixer aux préfets des objectifs chiffrés en termes d'expulsion. Ceci conduit à traquer les gens à la sortie des écoles ou jusqu'à leur domicile. Un sans papiers n'est pas un sans-droits. Il est un homme ou une femme avec son histoire, sa dignité et ses droits inaliénables. La politique d'Hortefeux, c'est faire du chiffre pour rassurer l'électorat de droite et les ruraux sans véritable réflexion sur l'atout que peut représenter une immigration maîtrisée. Je suis favorable pour ma part à une politique d'immigration fondée sur des quotas professionels fixés annuellement par une Autorité administrative indépendante dont le rapport ferait l'objet d'un vote par le Parlement.

Enfin, et dans le désordre, je suis consterné par la politique des copains. Qui ne voit comment Sarkozy ne cesse de satisfaire les attentes d'un clan d'industriels avec qui il a partie liée ? L'hebdo Marianne est depuis longtemps sur cette ligne. Je la partage désormais totalement tant les exemples sont flagrants. Dans la loi de modernisation de l'économie, un amendement UMP déposé par le pote du président, Frédéric Lefebvre, permet à numéricable de bénéficier d'un avantge décisif face à ses concurrents, une sorte de monopole des immeubles ou l'opérateur est déjà présent. Qui dirige numéricale ? Carlyle dont un certain Olivier Sarkozy, demi frère du président un des principaux dirigeants...

Plus récemment, vote à l'Assemblée d'un texte sur les contrats de partenariats public privé qui permet à l'Etat ou aux collectivités locales de confier la réalisation d'ouvrages particulièrement complexes à un partenaire privé, qui ensuite peut exploiter l'équipement public durant plusieurs décennies. Sans rentrer dans les détails d'un texte sur lequel Jean-Jacques Urvoas, Député du Finistère s'est beaucoup investi, ce projet de loi qui étend le recours aux PPP est destiné à satisfaire l'appétit des grands majors du BTP que sont Bouygues, Eiffage, Vinci et Icade...au détriment de tout un tissu de PME qui en France vivent très largement de la commande publique. Demain, elles ne seront plus que les sous-traitants dociles de grands groupes placés grâce à leurs bonnes relations avec le pouvoir en véritable position d'oligopole.
Là encore, on ne manquera pas d'y voir des cadeaux pour les copains du 92 et les financeurs de la campagne du Président Sarkozy. Avec la découpe à la hâche de l'audiovisuel et l'octroi de pubs en plus pour TF1 notamment, Bouygues y trouvera deux fois son compte. Quand on aime, on ne compte pas...

Sarkozy n'est pas la rupture. Et je me suis étranglé hier en lisant le billet d'Alain Duhamel dans Libération qui tentait de démontrer en 800 mots combien Sarkozy était tout sauf un conservateur!
Duhamel n'a rien compris de ce qui se jouait en ce moment. Sarkozy n'est ni un conservateur ni un réformiste. Sarkozy est un lobbyiste au services d'intérêts bien précis, identifiés par lui depuis bien longtemps. Si ce lobbying s'exerçait pour au final servir les intérêts de l'entreprise France, nous n'aurions rien à dire, mais ce n'est pas le cas.

Sarkozy est un risque pour la France, l'unité de la République, sa place dans le Monde et son économie. Ni plus ni moins.

23.6.08

Au Grand Rex, on joue quoi ce soir ?


Ce soir, lundi 23 juin, et pour la première fois, le groupe parlementaire PS du Sénat et de l'Assemblée nationale donne rendez-vous aux acteurs de la société civile, à la presse, aux militants socialistes et aux citoyens pour un compte rendu de la session parlementaire écoulée.
Avant même que l'évènement ne se déroule, l'initiative mérite d'être saluée. Elle démontre que le PS est capable d'innover dans sa communication, que ses élus sont conscients et capables de rendre des comptes sur les actions qu'ils entreprennent.
Test ADN, droit du travail, OGM, Afghanistan, Institutions, LME, les députés et sénateurs socialistes veulent ce soir pouvoir montrer clairement les actions et propositions qu'ils ont su opposer au gouvernement Fillon et à sa majorité parlementaire.

Sans préjuger du résultat, saluons au moins la méthode, qui participe de la revalorisation du Parlement et de la démocratie, en instituant pour la première fois le principe du "bilan de session". Même dans l'opposition, la gauche, le PS ont conscience de devoir rendre des comptes aux citoyens.

A l'UMP, c'est semble t-il "no comment", pendant encore quatre ans...

19.6.08

La mère de toutes les réformes : le mandat unique des parlementaires!



Article 6.11 des statuts du PS : consultation directe des adhérents


Sur proposition du(de la) Premier(e) Secrétaire du Parti, du Bureau national, de 35 fédérations ou à la demande d’au moins 15% des adhérents (par rapport au nombre arrêté au 31 décembre de l’année précédente),le Conseil national peut décider, après en avoir débattu sur le fonds et à la majorité qualifiée des deux tiers de ses membres, d’organiser une consultation directe des adhérents en leur soumettant une question rédigée simplement. Le Conseil national fixe les modalités de discussion collective et d’organisation des votes en découlant.

C'est le bon moment pour les membres du Parti Socialiste de demander que soit enfin organisée une consultation directe des adhérents, visant à interdire le cumul d’un mandat parlementaire (Député/e, Sénateur/trice, Député/e Européen) par l’introduction, dans l’article 9.3 des statuts du Parti Socialiste du paragraphe suivant :

« Le parti Socialiste applique le mandat unique parlementaire. En conséquence tout(e) candidat(e) membre du parti prend par écrit, avant la ratification de sa candidature, l’engagement
sur l’honneur de remettre sa démission de ses autres mandats électifs après son élection au parlement national ou européen ».

5.6.08

Projet de loi de modernisation de l'économie (discours d'Annick Le Loch, Députée du Finistère)


Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Messieurs les ministres,
Monsieur le rapporteur,
Chers collègues,

Il est beaucoup question dans la sémantique gouvernementale ces derniers temps de « modernisation ». On modernise le marché du travail, on modernise les institutions, on modernise maintenant l'économie. Mais il ne suffit pas d'accoler le beau terme « modernisation » pour qu'instantanément nos concitoyens en soient convaincus. Pour au moins deux raisons, ce texte n'augure en rien d'une modernisation.

D'abord il participe de l'empilement des textes législatifs, à la suite d'une série de textes dont nous ne connaissons toujours pas les effets : par exemple ceux de la loi Chatel. Il crée ainsi pour les entrepreneurs une véritable insécurité juridique.
Ensuite, sont agrégées des dispositions extrêmement disparates, rendant le texte particulièrement difficile à lire pour le citoyen. On crée ici un « maquis juridique ».

Par souci de clarté et d'efficacité, je choisirai dans cet assemblage opaque de dispositions, celles traitant de l'équipement commercial. Le gouvernement choisit de modifier le régime d’autorisation des implantations commerciales. Pourquoi cette facilité donnée aux grandes surfaces ?

La Commission européenne n'oblige la France qu'à modifier sa réglementation et non à la saborder. Elle lui demande de supprimer toutes les obligations pouvant être assimilées à des tests économiques, et de modifier la composition des commissions délivrant les autorisations de façon à supprimer la présence d’opérateurs concurrents. Aucune obligation donc de relever à 1 000 m² le seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation.

Chaque jour, des élus locaux, toutes tendances politiques confondues, se donnent du mal pour revitaliser nos centres-villes, pour faire vivre les petits centres-bourgs, pour maintenir dans leurs villages une animation commerciale, qui admettons-le, est une garantie du lien social. Pourtant, enfermé dans une vision simpliste des relations commerciales, aveugle face aux enjeux d'aménagement du territoire, oubliant le Grenelle de l'environnement, le gouvernement entend encourager les projets commerciaux en périphérie des villes. Hors des villes, loin de ses habitants, sans réfléchir aux besoins spécifiques des personnes âgées par exemple. Stop, nous sommes déjà allés trop loin!

On nous avance l'argument du pouvoir d'achat des Français. On nous dit que le consommateur aura tout à gagner d'une plus grande concurrence mais quel sera le bilan social des magasins « hard discount » ? Côté pile, des prix cassés pour le consommateur et des produits de moindre qualité, côté face, des salaires cassés en interne. Résultat : des salariés à temps partiel payés en dessous du SMIC, et la disparition programmée de plusieurs commerces indépendants...

Quelles conséquence enfin sur les relations commerciales, sur nos commerces de proximité, sur ce commerce de centres-bourgs auxquels beaucoup dans cet hémicycle sont attachés ? Votre texte fragilise là où il faudrait renforcer.

D'un côté, vous voulez introduire plus de concurrence dans les relations commerciales, de l'autre – je pense à l'article 21- vous confortez les distributeurs dans leur position dominante et étranglez un peu plus leurs fournisseurs.
D'un côté, vous promouvez de nouvelles règles en matière d'urbanisme commercial, de l'autre vous mettez sous perfusion les commerces de proximité en agitant la solution FISAC. Les fonds Fisac étaient de l'ordre de 120 millions d'euros, sur les quelques 640 millions de la TACA. 80, 90, 100 millions, où en est-on aujourd'hui ? Où vont les sommes de la TACA ?

Comment soutenir ces commerces de proximité qui font et fondent notre qualité de vie ? Il faut comme nous le proposerons dans ce débat, à travers plusieurs amendements, penser en termes d'équilibre du territoire, d'offre commerciale et de bassin de vie. Par exemple en s'appuyant sur les schémas d'organisation qui existent déjà comme les SCOT. On ne peut pas continuer à organiser d'un côté une course aux mètres carrés et se contenter de l'autre d'organiser la mort à petit feu du commerce de centre-ville en réparant les dégâts que l'on a soi même contribués à créer. C'est une politique incohérente et dangereuse.

J'ai organisé il y a quelques jours, dans ma circonscription une table ronde avec l'ensemble des acteurs du tissu économique local. De ces échanges, il me reste notamment ce que m'a dit ce gérant d'un petit supermarché établi dans l’extrême ouest de la Cornouaille ; il perçoit le texte comme une remise en cause de son métier. A terme, il craint pour la pérennité de son activité et l’emploi de ses 15 salariés. Les changements de règles fréquents rendent impossible un développement serein, anticipé, lisible de l’activité de son commerce.

Il me reste aussi de cette table ronde le silence des patrons de PME de l'agro-alimentaire, qui ont finalement choisi de me parler quelques jours après sans la présence de la grande distribution. Ces craintes de représailles, c'est le révélateur de la pression que connaissent les fournisseurs! Ce silence, cette peur, en disent long sur la profonde inégalité du combat entre fournisseurs et grande distibution.

Rien dans votre texte sur le développement des petits commerçants ou presque. Pour accompagner le petit commerce, il faudrait aborder plus sérieusement que vous ne le faites la question du financement de la formation des salariés et de l’apprentissage. Le petit commerce, c’est avant tout l’expression d’un savoir-faire. Il faut se battre chaque jour pour le faire savoir. Le petit commerce, pour peu qu'on lui donne les moyens de se développer, peut permettre de recréer la confiance du consommateur dans un juste rapport qualité-prix.

Le petit commerce tient un rôle structurant, il contribue à créer du lien social. Vous le mettez en péril, aggravant encore le déséquilibre de notre offre commerciale. En 10 ans, 177 boucheries-charcuteries ont fermé dans le Finistère par absence de repreneur ou en raison des flux de consommation toujours plus orientés vers la grande distribution. L’érosion du commerce traditionnel est-elle une fatalité pour ce gouvernement ?

Au final, pensant défendre une libéralisation vertueuse, vous n'organisez qu'un jeu concurrentiel bancal et inabouti, dont on peut douter des effets positifs sur le pouvoir d'achat des Français et sur notre économie plus largement.