27.12.05

2005, annus horribilis ?

L'année bientôt écoulée a été plutôt rude pour les hommes de gauche, et pour les socialistes français en particulier. Si rude, qu'à l'issue de cette annus horribilis, l'espérance, même l'espérance (!), semble avoir fui la gauche.

A chaque coup porté par la droite, pour chaque pas franchi dans la radicalisation, tout au long de cette année, il aura manqué à la gauche française et le souffle et le chef, pour répondre. Le courage aussi de s'affirmer, de s'affirmer de gauche, de dire ses différences, celles qui nous distinguent, celles qui nous opposent bien sûr, à la droite.

Le plus triste, le plus frustrant aussi, c'est d'observer avec quelle naïveté, quel empressement aussi, la gauche a répondu aux sirènes de la division. Plutôt que d'offrir un front uni et compact, une réponse cohérente et audible face aux attaques de la droite, les socialistes français ont préféré se fragiliser encore davantage. Annus horribilis donc, où l'on a ressorti gaiement les querelles d'ambitieux, cette malheureuse antienne socialiste que l'on espérait rangée au rayon des souvenirs.

Depuis 2002, la France ne cesse de se radicaliser, toujours plus à droite. Sarkozy chasse en terre lepéniste tandis que les esprits se lepénisent. Cette vieille marotte de la politique française, menace longtemps surestimée que l'on agite depuis des années, est aujourd'hui devenue une réalité. L'heure n'est plus à crier au loup, mais bien à le sortir de la bergerie.

Quelques chiffres illustrent sans ambages cette évolution affligeante. En 2005, un Français sur trois déclare que "personnellement, il dirait de lui-même qu'il est raciste". En 2005, 56 % des sondés estiment que le nombre d'étrangers est "trop important" et pose un problème pour l'emploi. En 2005 toujours, 63 % des Français estiment que "certains comportements peuvent parfois justifier des réactions racistes". En 2005 enfin, 24 % des Français se déclarent d'accord avec les positions de Jean-Marie Le Pen. 2005, annus horribilis, vous disais-je.

La lepénisation est là, et c'est Sarkozy qui en tire pour l'instant les profits les plus substantiels. Pis encore, je considère que Nicolas Sarkozy a encouragé par ses actions, ses déclarations, la radicalisation des esprits. Sous couvert de porter un projet de "rupture", d'incarner la modernité politique, le mouvement, le changement, le Président de l'UMP et le gouvernement se sont autorisés à segmenter la communauté nationale. Tout a été fait pour alimenter et accompagner les fantasmes populaires. De la racaille au polygame, la droite n'a pas épargné les Français d'origine immigrée, une population déjà largement stigmatisée (voir sondages). Elle a systématiquement cherché à "ethniciser" la question sociale, et de ce fait, renforcé l'idée d'une déliquescence de l'identité nationale. Le 23 décembre, avant-veille de Nöel, le gouvernement a tenu à envoyer un message d'espoir aux demandeurs d'emploi, qui vivent très souvent le chômage comme un échec personnel et une vraie honte. La bûche gouvernementale fut amère : le décret va permettre de vérifier les dossiers fiscaux des chômeurs en cas de soupçon de fraude...

Les abus, les fraudes, la dégradation des comptes de l'assurance-chômage, la nécessité de donner des droits mais de créer des devoirs en retour pour tout chômeur ne sont pas des mythes que les socialistes ignorent ou refusent de voir. Sur tous ces points, le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi) crée par Jospin a d'ailleurs montré que le PS sait être pragmatique.

Mais quand je vois le décret du 23 décembre, je sais pourquoi je suis de gauche. Le projet socialiste ne sera pas celui de la peur, de ces peurs populaires qui font les extrêmismes, il se nourrira au contraire du besoin d'avenir et de progrès. Face au raisonnement par la négative de Sarkozy, le PS doit proposer un plan d'action volontariste, positif, souriant, optimiste. Le progrès économique et social ne se fait pas contre les gens mais pour eux, c'est le message que doit faire passer la gauche.

Le changement réclamé par les Français n'appelle pas la "rupture". Je crois que c'est l'erreur de Nicolas Sarkozy. Rompre avec quoi, avec qui ? Avec quel passé? Celui qui voyait Sarkozy être membre du gouvernement Balladur en 1993, celui qui en faisait un ministre aux responsablités sous Raffarin puis Villepin ? Si besoin de rupture il y a, alors les Français voudront rompre avec ça aussi. Sarkozy n'est pas neuf, le discours éculé de la "rupture" non plus. Et si sa volonté de rupture cachait difficilement celle de la "Réaction"...

L'espérance n'est pas l'absence de pragmatisme. C'est la part indispensable de rêve, de confiance en l'avenir, qui fait vivre un projet politique, et qui réveille un pays en demande de changement. Le PS doit de nouveau l'incarner.

Pour lui, le défi est clair : transformer l'annus horribilis en annus esperandis.

19.12.05

Et si c'était elle...

Mon collègue blogueur et moi n'échangeons pas que par posts interposés.
Malheureusement pour vous, nous avons profité du week-end pour débattre de vive voix sur un grand nombre de sujets. L'occasion également pour Nicolas de me transmettre ses lectures pour occuper mon retour en train...

Et si c'était elle...

C'est l'hypothèse qu'affiche en une le Nouvel Observateur. Titre suffisamment accrocheur pour que je me plonge dans la lecture inhabituelle de l'Officiel des biens pensants de la gauche caviar.

Il s'agit bien entendu de la candidature annoncée de Ségolène Royal à l'investiture du candidat du Parti Socialiste à l'éléction présidentielle.
Force est de constater que je partage une partie de leur analyse.
Non pas que je reconnaisse à cette candidate un projet salvateur susceptible de résoudre les difficultés structurelles de notre pays. Sans aucune ironie, j'attends avec impatience de l'entendre sur les grandes équations économiques et sociales, la recherche et l'innovation, la sécurité internationale ou la lutte contre le terrorisme...
C'est plutôt sur l'analyse des rapports de force politique que je rejoins le Nouvel Observateur.
Est-elle la mieux placée pour battre la droite en 2007 ? Je le pense. En tout cas, je crains qu'elle soit la menace la plus sérieuse pour la droite dans le cas d'un deuxième tour face à Nicolas Sarkozy.
Etrangement, c'est elle qui a le plus de points communs avec le président de l'UMP : une certaine fraîcheur politique, une inflexibilité morale, un pouvoir d'attraction médiatique et une ambition intarissable. Face à une telle candidate, Nicolas Sarkozy serait privé du monopole de l'incarnation du changement. Il serait "le sursaut brutal" face à "la berceuse atrophiante" que les français adorent.
Pour la droite, Royal est plus dangereuse que Strauss-Kahn. Strauss-Kahn ferait plus difficilement le plein de voix à la gauche de la gauche. Incontestablement, il aurait l'avantage au centre (mais pas que plus Royal, il n'y a pas de raisons) mais c'est bien insuffisant. Les désespérés du vote contestataire (qui penchent une fois vers le FN, une fois vers Besancenot) n'auraient aucune raison de croire en Strauss-Kahn alors qu'ils pourraient voir Sarkozy comme le dernier recours.
Fabius enfin est pour moi le mal-aimé. Détesté à droite, il ne fait pas le poids à gauche et sa récente inflexion vers les thèses néo-gauchistes laisse le champ libre au réalisme et la force de conviction de Sarkozy.
C'est pour moi regrettable mais Royal n'est pas Jack Lang, géant des sondages, nain des présidentiables. Elle est à prendre en compte. Et si c'était elle...
Si c'était elle, je regretterais de ne pas pouvoir assister à un vrai débat idéologique polarisé entre un Fabius, symbole de la vieille gauche et un Sarkozy, incarnation de la nouvelle droite, et au delà, de la politique du XXIe siècle, pragmatique et offensive...

Et si c'était elle ? Pourvu que ce soit lui...

15.12.05

L'opinion a peur du vide

Le débat sur la colonisation me semble surréaliste.
Evidemment la colonisation a eu des aspects positifs. Il ne peut en être autrement puisque elle n'est finalement que le prolongement de la foi de l'occident en ses valeurs éclairées, considérées comme supérieures.
Evidemment la colonisation est également synonyme d'esclavage, de torture et plus largement de mépris et d'arrogance. Qui peut aujourd'hui le nier ?
Est-ce si difficile de considérer un fait historique de manière contrastée ? C'est pourtant une évidence. Quel personnage historique, Quelle révolution, Quel règne, Quelle libération n'a pas ses zones d'ombre ? Il est du devoir de l'historien de les mettre en lumière et à la société de les accepter.
Mais passer son temps à ne dépeindre que l'aspect négatif des choses ne permet pas à une nation d'aller de l'avant. C'est le syndrome d'un pays qui doute.
La France doute...
Elle craint de célébrer Austerlitz. Certains s'en donnent alors à coeur joie pour jeter le bébé Napoléon avec l'eau du bain de sang des guerres de l'armée impériale et avec lui le sens de l'Histoire, le contexte post-révolutionnaire, les Lumières, etc...
A force de douter, d'avoir peur de la contestation, nos dirigeants laissent le champ libre justement à ceux qui refusent d'avancer.
Un exemple : quand le gouverment refuse de défendre ses convictions européennes, quand il refuse de célébrer en mai 2004 comme il se doit l'entrée des pays de l'est européen dans l'UE, il laisse un boulevard aux pessimistes et aux oiseaux de mauvaise augure. Il faut savoir guider l'opinion publique sinon le vide engendre le chaos... ici le 29 mai.
Les exemples seraient nombreux où le manque de conviction engendre un vide dans lequel s'engoufrent les opportunistes du pessimisme.

14.12.05

Main gauche, pas maladroite...

"Ambidextre" sera ce que le débat en fera! longue vie à ce e-café...du commerce! Et puisqu'il faut bien qu'un camp assume la première salve, j'attaque!
Par la dette publique colossale de la France ? Non! bien trop technique. Reste que gauche comme droite ont laissé se creuser un trou qu'il faudra bien combler un jour ou l'autre. Faute de quoi la France finira comme l'Argentine, par une banqueroute généralisée...
Une vision jugée catastrophiste par beaucoup! Assurés que jamais la France ne connaîtra bien évidemment un tel sort. C'est bien connu, la France est à part. Nous parlons tout de même de ce pays à nul autre pareil, riche de sa diversité, fille d'une histoire séculaire, porteuse de valeurs universelles. Et ils auraient sans doute raison car je crois que la France, vieille dame d'un vieux continent, est plus robuste et plus riche qu'on ne le pense. Je suis d'ailleurs de ceux qui pensent que le émeutes des banlieues furent surtout l'occasion pour un certain nombre de jeunes "pommés" de dire leur envie d'appartenir à la France. Au-delà de l'extrême violence, de la stupidité de certains actes, c'est le désir d'être membre du club France qui a transpiré.
Oui la France a des atouts et oui nous pouvons être fiers d'être français. Fiers d'être français, y compris lorqu'on reste en france, et pas seulement à l'occasion de virées à l'autre bout du monde!
Mais l'honneur de la France passe aussi par le fait d'assumer une histoire chaotique. Humaine donc chaotique. Que la colonisation ait pu donner lieu à des moments de partage, d'échanges et de fraternité humaine ne fait aucun doute! Et le dire ne doit pas être choquant. Cela n'enlève rien selon moi, au caractère génocidaire de l'entreprise coloniale française.
Les Français doivent reconnaître leurs torts et comprendre leur histoire. Mais cette appropriation ne se fera pas à coup de lois! ni même de décrets! En République, on ne décrète pas l'histoire ! J'espère que la majorité UMP abrogera le fameux article 4 traitant du "rôle positif" de la colonisation. Pas par justesse historique, mais parce qu'il ne revient pas au politique d'écrire l'Histoire de France.

13.12.05

à deux mains

Nous sommes souvent d'accord mais nous mettons un point d'honneur à ne jamais l'admettre. C'est le point de départ d' "ambidextre". Un blog qui s'écrira à deux mains : une main (de) gauche et une main (de) droite, pour que les deux Nicolas que nous sommes puissent faire ce qu'ils apprécient tout particulièrement : débattre, encore débatre et toujours débattre...