29.3.10

Plutôt "ien" ou plutôt "iste" ?


Les soirées entre amis sont souvent l'occasion de discussions passionnantes et passionnées ! Qui n'a jamais eu à replonger dans ses connaissances en histoire ou en géographie sur une fin de dîner un peu arrosée ? Samedi dernier, entre le fromage et le dessert, mais heureusement avant le digestif hongrois de nos hôtes, un question fort intéressante fut soulevée. Existe t-il une différence de sens claire entre les termes "gaulliste" et gaullien", et plus généralement, entre les termes en "-ien" et les termes en "-iste" ?


Parce que la question est d'intérêt, et que mon niveau d'alcoolémie est redescendu, j'ai cru utile de préciser dans les quelques lignes qui suivent ma petite analyse de la question.



"Gaullien" fait référence à la personnalité même du Général de Gaulle, aux postures liées très directement à sa personne, à son tempérament, à sa manière de parler (les historiens ont défini une" langue gaullienne") quand le terme de "gaulliste" renvoie lui aux conceptions politiques, au corpus idéologique qui au fil des années, pendant et après le Général, ont et continuent d'irriguer la vie politique française.

Dans un article récent du Monde ("Nicolas Sarkozy et l'OTAN : gaulliste ou gaullien"), on comprend bien qu'en matière de politique étrangère par exemple, Nicolas Sarkozy se veut moins gaulliste que gaullien...
En réintégrant la France dans le commandement intégré de l'OTAN, il prend le contrepied parfait de la conception gaulliste de l'indépendance nationale. Il entend ici être l'égal du Général. En quelque sorte, il tente de se hisser à la hauteur du Général, d'être dans la posture au moins son alter égo. Bref, il tente de devenir gaullien.

Quant à l'interprétation des binômes "mitterandien/mitterrandiste", "rocardien/rocardisme", "giscardien/giscardisme", on peut y lire, à quelques nuances près, sensiblement les mêmes différences de sens. En aucune manière, les deux adjectifs ne renvoient au même signifiant.
Par exemple, on peut dire que Lionel Jospin était mitterandiste sans avoir jamais été mitterrandien (compris souvent comme mitterandôlatre), là où Jack Lang ou Hubert Védrine furent les deux à la fois (le premier n'a pas raté une seule ascension de la roche de solutré, le second anime encore aujourd'hui l'Institut François Mitterrand...).

Reste l'ambiguïté soulevée par les termes "villepiniste", "aubryiste", "fabiusien" ou "strauss-kahnien".
Est-ce à dire que dans les deux premiers cas, on fait référence à un corpus d'idées quand dans les deux seconds, seules les personnalités de Fabius et DSK serait visées ? Évidemment non.
Je pense qu'on peut lire au-delà de la confusion sémantique - entretenue par la presse et les médias, par manque de rigueur intellectuelle essentiellement -, ce mélange des termes correspond à la manière même dont le débat politique se conçoit aujourd'hui ; on ne distingue plus les idées des personnalités qui les portent. C'est devenu une seule et même chose.

D'ailleurs c'est tout le problème de Nicolas Sarkozy aujourd'hui, car beaucoup de militants UMP qui ont voté pour lui et ses idées en 2007 s'interrogent aujourd'hui sur une question fondamentale : mais qu'est-donc au fond que le "sarkozysme" sinon l'adoration nostalgique et déçue du Nicolas Sarkozy de 2007 ?


A lire aussi, récemment cet excellent article dans Libération, en cliquant ici.