18.7.08

Parti socialiste, parti inaudible




Pourquoi le PS est-il inaudible ?



Alors que la session extraordinaire du Parlement s'achève jeudi prochain et que le Congrès de lundi agite les esprits et les langues, je ne peux m'empêcher de revenir sur le fait majeur de cette première année post présidentielle. Malgré l'impopularité de l'exécutif, le PS, la gauche est inaudible.

Dans les conversations de tous les jours, dans la presse, jusque chez certains sympathisants de gauche, on ne cesse de dénoncer l'absence du PS, sa mollesse, son inaction, son manque d'esprit de responsabilité. Autrement dit, on doute peu à peu de son statut d'opposant et de sa capacité à permettre une alternative crédible. Une donnée parmi d'autres, le Parti socialiste, c'est en juin 2008, 42% d'opinions favorables contre 47% d'opinions défavorables...

Mes sentiments sont confus face à ce constat. Je veux ici vous donner quelques éléments d'analyse.

De l'ambition !

D'abord, le PS est au moins en partie responsable de cette situation. Si l'opinion publique n'adhère pas à notre message ou pire encore, si elle ne nous entend pas, c'est que nous ne sommes pas bons collectivement. Ce n'est pas l'opinion publique qui se trompe, c'est nous qui ne convainquons pas les Français. Il ne faut pas nous auto-flageller en permanence sur la place publique, pas plus qu'il n'est nécessaire d'invoquer la rénovation comme d'autres invoquent les esprits...

Pourquoi butons-nous sur les questions où précisément nous sommes attendus voire espérés ? Sans doute, et c'est mon sentiment, parce nous manquons de clarté et de consistance dans nos prises de position. Contrairement à ce que je peux entendre autour de moi, il n'est pas tant question pour le PS d'une carence en termes de communication ; notre faiblesse – que je veux croire temporaire bien qu'ancienne – tient d'abord et avant tout à notre manque d'ambition dans nos propositions.

Le courage, individuellement, les militants et élus socialistes n'en manquent pas. Il leur faudrait pouvoir l'assumer collectivement.
Trois éléments d'analyse sont aujourd'hui selon moi insuffisamment pris en compte, mésestimés à gauche. D'abord, les Français ne sont pas rétifs à la politique, ils sont en demande de politique. Conclusion : il nous faudrait une ligne claire et un leader très rapidement!
Ensuite, les Français ne sont pas rétifs à la gauche, ou comme on peut parfois l'entendre ou le lire « sociologiquement de droite », leurs principaux sujets de préoccupation – l'emploi, le pouvoir d'achat, la qualité de vie – sont une véritable invite à plus de gauche !
Enfin, les Français ne se défient pas de l'Europe, ils veulent, comme pour la République, pouvoir la faire et s'y retrouver.

Penser socialiste, penser Europe

Il est un thème sur lequel je veux insister, et qui selon moi devrait être au centre du travail de rénovation socialiste. L'Europe. Quand porterons-nous enfin, à nouveau, haut et fort, fièrement, le flambeau de ce qui reste le plus beau projet d'avenir sur le plan politique ? N'est-ce pas à une opposition socialiste que de proposer une vision claire en la matière ? N'avons-nous pas là un horizon d'action considérable alors que tout reste à faire sur le plan des droits sociaux sur le continent ? Là se situe le projet de socialistes modernes et courageux. Il nous faut aller au-delà de nos préventions, car l'Europe se meure, à force de non-dits et de manque de transparence vis-à-vis des peuples européens. Construire les Etats-Unis d'Europe, assumer un projet clairement fédéraliste, assumer de le dire, voilà où serait l'audace et la rupture! L'Europe à 27 n'interdit en rien le rêve d'une Europe fédérale ; elle nous oblige en revanche, sur tous les sujets, à simplifier les modes de décision et à démocratiser au plus vite ses institutions. Il ne faut pas lâcher sur la question institutionnelle, là se joue l'avenir et le rêve d'une Europe unie, intégrée, fédérale.

Cessons de nous leurrer, c'est bien dans ce cadre, celui d'une Europe à 27, et non plus dans celui de l'Etat-nation d'antan, que la gauche se relèvera. C'est dans ce cadre élargi et non dans celui dépassé de ses frontières nationales qu'elle aura à élaborer demain une politique sociale, économique, environnementale.


Pour autant, le PS n'a pas démérité depuis un an.

La gauche, le PS singulièrement, ne sont pas épargnés par la critique. La presse, les médias devraient être des facilitateurs de l'expression publique, ils sont devenus des « brouilleurs ». La presse – j'ai conscience qu'attaquer « la » presse n'a pas grand sens et que l'amalgame est aisé - devrait nous permettre de faire passer nos idées à l'opinion, dans les faits, elle se complait à relater nos supposées absences et lacunes.

Cette situation est frustrante au vu du travail effectué, notamment au Parlement, par les élus d'opposition. Dernière exemple en date, le texte sur la représentativité syndicale et le temps de travail ; les médias, très peu intéressés par le contenu du texte, n'ont ensuite eu de cesse que de dénoncer la faiblesse de l'opposition... Comme si pour cacher leur propre inconséquence, certains journalistes préféraient se cachait derrière une supposée inconséquence politique des socialistes! 1500 amendements ont été déposés sur ce texte par le groupe socialiste à l'Assemblée ; une quinzaine de députés se sont relayés jour et nuit pour défendre le droit du travail et même la santé des salariés...Pourtant j'entends hier soir, dans une discussion entre amis, les rires et les sarcasmes lorsque j'évoque le travail courageux de la gauche à l'Assemblée...

Sur les institutions dans quelques jours, il est à parier que la gauche sera pointée du doigt une fois de plus, et ce quelque soit le résultat. Si la réforme est votée sans nos voix ; le président Sarkozy parlera d'une victoire démocratique à laquelle la gauche n'a pas eu le courage ni la hauteur de vue de s'associer...et si la réforme échoue, la gauche sera tenue pour responsable de ce qui sera présentée comme une faute historique du Parti socialiste devant l'histoire...!

Ces quelques remarques n'ont pas pour but d'enfermer la gauche et le PS dans une lecture victimaire mais elles sont des données éparses à prendre en compte lorqu'on évoque la gauche « inaudible ». Pluralisme dans les médias, dose de proportionnelle à l'Assemblée, réforme du Sénat pour permettre un jour « d'envisager » l'aternance, mandat unique pour les parlementaires...voilà ce que nous demandions par exemple dans la réforme des institutions. Qui nous jugera sur ces apports au débat lundi prochain ?

Dès lors, il nous faudra aussi, au cours des mois qui viennent, autour de la future direction du Parti socialiste, réfléchir à la manière de délivrer nos messages, développer une vrai politique des « moyens de communication ». Ne pas nous contenter d'une pseudo « cellule de risposte » mais mettre en place un service réactif, entièrement dédié à la promotion de nos idées sur les nouveaux supports technologiques par exemples. Nous devons regagner d'ici à 2012 la bataille médiatique. Elle est une des conditions essentielles de la victoire idéologique et politique.

7.7.08

Du dépit amoureux


Le responsable politique est le mal aimé chronique d'une société éclatée. Ma conviction, c'est que l'individu a certes son projet dans l'entreprise, mais ses demandes de collectif, de solidarité, de reconnaissance sociale, de progrès, de rêves, c'est plus que jamais dans la Cité qu'il les espère, et au politique qu'il les adresse.

On compare trop souvent autour de moi deux fractures ; celle touchant les élites économiques et celles touchant le politique. C'est une erreur car le salarié et le citoyen ne formule ni les mêmes espoirs ni les mêmes exigences à leur égard.
Entre l'entreprise et la collectivité publique, entre le chef d'entreprise et le politique, le challenge n'est pas de même nature. La déception n'est donc pas de même ampleur. Les Français préfèrent le chef d'entreprise au responsable politique. Mais s'ils ont plus confiance dans le premier, ils attendent plus du second.

ANALYSE RAPIDE

De nombreux éléments d'appoints seraient nécessaires pour éclairer correctement un débat plus vaste et plus complexe que les fragments d'analyse proposés ici. Toutefois, un regard rapide sur les enquêtes d'opinions récentes permet de percevoir une première réalité ; en Europe (voir Eurostat des 5 dernières années), en France singulièrement, les responsables politiques sont jugés globalement « beaucoup plus sévèrement » que tout autre acteur public. Au niveau institutionnel, l'Etat beaucoup plus sévèrement que l'entreprise. Dans des proportions qui n'ont absolument rien de comparable. Le jugement porté par les Français sur leurs élites politiques frappe par son intensité et son ancienneté.

Une partie de la victoire de 2007 s'explique par une juste analyse de cette situation par Nicolas Sarkozy ; les Français sont en demande de politique. Ils encouragent leurs responsables à prendre une influence accrue sur les affaires du monde, mais aussi sur les affaires intérieures. Mais ils n'attendent pas - là est l'erreur de Sarkozy - d'un responsable politique qu'il agisse en "chef d'entreprise".

Deux points plutôt que de longs développements pour comprendre la nature du divorce (1) et sa singularité (2)


1.Entre Français et élite politiques, une forme de « dépit amoureux » : "je ne t'aime plus mais reviens!"

La déception est à la hauteur de l'incroyable "demande de politique":
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/020408_elites_r.htm
On fait bien plus confiance à l'association et à l'entreprise privée qu'au politique :
http://www.fonda.asso.fr/PDF/sondage%20synthese%20.pdf

2.Contrairement à un discours dont l'origine partisane fait peu de doutes, relayé complaisamment par la presse depuis des années, l'entreprise est loin d'être discréditée en France.
C'est là que l'on perçoit « la victoire gramscienne » de la droite – victoire politique grâce à la domination et à la pénétration de ses idées et de sa « culture ». Le Français seraient rétifs à l'entreprise, bercés par les 35h, ennemis du capitalisme et du travail, trop attachés à l'Etat providence et à l'étatisme... Sauf que tout ceci est sinon contredit du moins à relativiser lorsqu'on jette un oeil aux enquêtes d'opinions. Mais lire une enquête, c'est long pour une presse dont le moteur est moins la vérité que la vitesse. La vérité, c'est qu'en France, même en France, pays présenté comme celui d'indécrottables grévistes – moins de jours de grèves cumulés qu'aux Etats-Unis chaque année - les dirigeants d'entreprise jouissent d'une côte de confiance bien meilleure auprès des Français que les responsables politiques.

Regard porté par les français sur le chef d'entreprise et l'entreprise :
(panachage d'instituts)


Le jugement des Français à l'égard des dirigeants économiques n'a cessé de se dégrader depuis 1985. Mais il ne devient négatif qu'autour des années 2002-2003 - les années 1985-95 constituant une forme d'apogée tant le chef d'entreprise est valorisé - et il reste par ailleurs sans commune mesure avec les résultats enregistrés pour les élites politiques, y compris lorsque la question porte sur les dirigeants de très grandes entreprises ( autour de 55% d'opinions défavorables contre 75% pour les politiques)

Évolution 1985-2002:
http://www.tns-sofres.com/etudes/corporate/040203_gouvernance.htm
En 2002
http://www.tns-sofres.com/etudes/corporate/040202_entreprise.htm
En 2003
http://csa.eu/dataset/data2003/opi20030522c.htm
En 2006
http://www.ipsos.fr/Canalipsos/articles/2000.asp

En 2008
Extrait du JDD - Politique 15/04/2008
« Sondage: Les Français apprécient leurs boss »

Une large majorité de Français, 72%, ont une bonne opinion des chefs d'entreprise mais 59% estiment qu'ils sont trop payés, selon un sondage BVA pour le magazine L'Express publié mardi. Interrogées sur les adjectifs qui s'appliquent le mieux aux patrons en général, 53% des personnes sondées choisissent "compétent", 38% "autoritaire" ou encore 13% "mauvais gestionnaire" et 10% "malhonnête". Le sondage a été réalisé par téléphone les 14 et 15 mars auprès d'un échantillon de 964 personnes réprésentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.



Une analyse lacunaire mais qui appelle de votre part réactions et compléments...

3.7.08

Libertad !


Libre, Ingrid. Libre!
Cette femme est faite dans un matériau inconnu. Comment ne pas rester coi devant tant de dignité et de ténacité ? Il est certes facile de trouver des qualités de courage à un otage libéré ; là, c’est assez suffoquant.

Se tenir droite après tant d’années d’humiliation dans la jungle, tant d'années contrainte à une précarité absolue, tant d'années privée de sa liberté, de sa famille, coupée de la vie, et pourtant se tenir droite en dépit de tout cela, c’est la démonstration d’une volonté et d’une force de caractère qui ne peuvent que laisser admiratif.

Mais, au risque de verser dans l'idéalisme et la naïveté, je ne peux m'empêcher de penser que la liberté reste un combat sur tous les continents. Un combat gagnable.
Je pense au monde arabe, je pense aussi bien sur à l'Afrique.

Ingrid Bétancourt est libre, il faut s'en réjouir. D'autres libérations attendent maintenant.

2.7.08

L'établi

Au moment même où le Parlement examine le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, je vous recommande la lecture de L'établi, de Robert Linhart. L'auteur, militant maoiste et intellectuel, a choisit de travailler durant une année comme ouvrier spécialisé dans l'usine Citroën de Choisy.De son expérience est né ce livre ; une description précise et précieuse de la vie d'usine, de ses rites, de ses abus. Des relations entre les hommes, de leur entraide, de leur solidarité, de leurs faiblesses et de leur goût du pouvoir aussi. C'est un livre sur la routine, sur la chosification de l'homme, sur son abaissement par le travail, sur la mécanisation des gestes qui finit par avilir. C'est un livre sur le "travailler dur", sur le "travailler mal", sur le "travailler bête". Au centre de l'usine, la chaîne de montage, manège infernal de pièces métalliques en tous genres, use, consomme et consume les hommes.

On lit surtout chez Linhart une illustration formidable de l'analyse marxiste des rapports de production. A lire !