17.1.07

En janvier...c'est le printemps du politique !

J'ai lu "Le printemps du politique" de M. Wieviorka, histoire de me mettre en jambes pour 2007.
Histoire aussi, avouons-le, d'y puiser un peu d'inspiration, d'y gagner un peu de peps, d'y dénicher quelques raisons de croire encore, au coeur de l'hiver, au pouvoir du politique. Tandis que partout s'affirme et s'affiche le "désenchantement du politique", certains, dont Wieviorka semblent vouloir renoncer au renoncement. Résulat : pas facile.
Ah le beau mois que voilà ! C’est janvier et ses bonnes résolutions. Janvier aussi, et son refus du pessimisme. Un déclin, une crise, un déficit du politique ? Réponse de saison : ce ne sont là que de funestes idées, tout au plus quelques sombres pensées qui habitaient encore en 2006 une poignée d’esprits chagrins. Etrange mois de janvier qui veut qu’en plein hiver, Michel Wieviorka, lui, voit le printemps.

Au terme de 116 pages d’un exposé intégrant les réflexions d’une douzaine d’intellectuels d’horizons géographique et disciplinaire divers, au terme de 116 pages d’un intérêt indéniable, on entrevoit, à grand renfort de bonne volonté, ce que pourrait être un printemps du politique. Il est vrai qu’au milieu du concert généralisé de critiques et de remises en cause en tout genre, l’exercice était de taille. Le « réenchantement » du politique est une tâche noble mais ardue. Hardie mais ardue !

D’où vient ce sentiment partagé par beaucoup d’un déficit ou d’un déclin du politique ? Partout, les formes classiques de faire la politique sont malmenées ou dénoncées. La politique serait trop loin pour être adaptée, trop médiatique pour être sincère, trop réactive pour être pérenne. La forme particulière qu’est la démocratie représentative serait devenue le lieu de toutes les impuissances. Un cadre obsolète car inadapté à la captation des nouvelles attentes. Mais pour Michel Wieviorka, point d’hiver durable du politique, les raisons de croire en des temps plus cléments sont sous nos yeux. Face à la poussée des individualismes, à l’atomisation des revendications identitaires et culturelles et aux assauts répétés contre l’Etat-nation, il est moins question d’un déficit du politique qu’à une demande pressante de transformation de ses formes traditionnelles, et de son expression social-démocrate en particulier.

Idée centrale de l’ouvrage, l’urgence vaut surtout pour la gauche. Pour Michel Wieviorka en effet, la gauche est plus touchée que la droite, plus directement visée par l’irruption de nouvelles demandes ; le renouvellement idéologique y est donc plus important, le travail de réinvention, plus lourd. La gauche, « réfugiée » dans sa formule social-démocrate, ne peut continuer à donner le sentiment d’avancer à contre-temps, d’acter sans cesse, sur un mode défensif, des évolutions et des désengagements qu’elle n’a pas maîtrisés. On attend plus seulement d’elle qu’elle fasse un inventaire, même critique, d’actions dépoussiérées et reformatées, mais bien qu’elle entreprenne un ambitieux travail de refondation. Les formules sociales-démocrates ont permis de réaliser un aggiornamento utile aux gauches européennes, mais cette utilité n’est que temporaire. Le « réenchantement » de la politique exige plus qu’un travail de réactualisation des paradigmes anciens. Pour Michel Wieviorka, « La social-démocratie (…) n’est pas condamnée à l’Histoire. Mais elle doit être largement réinventée, pour proposer des formes réalistes de solidarité et d’Etat-providence, renouveler les institutions et s’ouvrir à d’autres attentes, sociales et culturelles, que celles du vieux monde du travail industriel protégé et de la fonction publique (…), sur lesquels elle s’appuie trop nettement ».

Scandé en cinq chapitres, dont quatre consacrés à discuter les soubassements du supposé déficit politique et à en définir les contours incertains, le printemps du politique, disons-le clairement, vaut d’abord pour ses vertus de maïeutique. Michel Wieviorka met des mots justes sur un constat à la fois largement partagé et traité, celui du « désenchantement » du politique. On y voit les demandes relevant de « l’infrapolitique » et notamment la poussée des identités culturelles et des individualismes. Puis, voyageant d’illustrations mexicaines en détours israéliens, on y voit aussi, avec force exemples, les attentes nouvelles venues du « dehors » : cette métapolitique, dont la mondialisation et la construction européenne constituent les défis dirimants.

En s’attaquant à l’idée selon laquelle « semble primer, à tous les niveaux, le contraire du politique », le printemps du politique tente de déconstruire la théorie simplificatrice du déclin. Bien plus qu’un retrait ou un recul, le politique fait face à de nouvelles injonctions. Il est en fait sommé de repenser ses répertoires d’action (participation des citoyens, prise en compte du local), de pénétrer des terrains inédits (demandes culturelles, identitaires), de reconquérir un certain nombre d’espaces laissés vacants (l’Europe, la mondialisation, l’écologie) et de se délester de certaines postures (la lecture de la société par les seuls groupes socio-économiques).

Finalement le plus étrange, c’est qu’à lire Michel Wieviorka, on finit par croire qu’en plein hiver, c’est le printemps du politique.
- Michel Wieviorka, Le printemps du politique, Pour en finir avec le déclinisme, Robert Laffont, janvier 2007, 13 euros.
- Cette critique sera publiée dans la News des livres (n°75) de la Fondation Jean Jaurès dans le courant du mois de janvier.

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