15.1.06

Boulevard Mitterrand, impasse des Roses


Voilà plus d'un mois que notre blog a vu le jour. Ambidextre doit désormais trouver son rythme de croisière. J'en profite pour remercier nos assidus lecteurs. Vous êtes déjà nombreux à avoir pris part aux débats. Vous êtes unanimes dans vos encouragements à poursuivre notre initiative. Merci beaucoup.
Si vous souhaitez nous voir réagir sur tels ou tels sujets, faites le savoir, comme Thomas, qui souhaitait nous voir amorcer le débat sur la "Rose-talgie mitterrandienne". C'est chose faîte avec ce post...


Selon un sondage Sofres pour le Nouvel Observateur, François Mitterrand arrive juste derrière le général De Gaulle (30% vs 39%) comme meilleur président de la Ve République. Les trois autres présidents arrivent très loin derrière : Jacques Chirac obtient 7% des suffrages, Valery Giscard D'Estaing 6% et Georges Pompidou seulement 5%.
Les résultats de ce sondage ne me surprennent pas. Le seul président socialiste de la Ve république fait le plein des opinions positives à gauche et a pour lui le plus long mandat de la période prise en compte. L'abolition de la peine de mort contribue pour une bonne part à l'image positive du président. J'acquiesce sur ce point. La personnalité de l'ancien président est également déterminante. L'image du Président de la République que se sont forgé les français est largement inspirée de la pratique monarchique du pouvoir de Mitterrand.
Ce sondage a servi à tous les éditorialistes pour parler d'une "réhabilitation" de Mitterrand, voire d'une nostalgie qui tranche avec les commentaires peu complaisants à sa mort, dix ans auparavant...
Je note tout de même qu'aujourd'hui, on encense l'homme, le fin tacticien, l'homme de lettres, le séducteur et le père de Mazarine mais on parle peu de son bilan. Lui qui a accompagné la France dans sa dépression pendant que l'Angleterre se réformait, l'Allemagne se réunifiait, L'Espagne se démocratisait et les Etats-Unis prospéraient...
Les commentaires à l'occasion de cet anniversaire relèvent beaucoup de l'effet de mode et de l'agitation médiatique. C'est presque normal. Il faut s'y accommoder.
Le plus inquiétant, c'est le sens que veut donner le Parti Socialiste à ces commémorations. Le spectacle donné à Jarnac, le week-end dernier, était édifiant d'archaïsme et de ridicule. Fabius portant le chapeau et l'écharpe rouge pour aider les plus sceptiques à l'imaginer à son tour en président de la République, c'était la démonstration que décidément notre gauche, à trop vouloir faire la révolution, avait oublié de faire la sienne.
Construire un parti moderne et social-démocrate est incompatible avec la nostalgie mitterrandienne. Ni sa politique économique, ni sa conception hégémonique du pouvoir n'ont de sens au XXIe siècle. Il est temps pour le PS de tuer le père...

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Tiens, c'est marrant, ça alors, c'est l'abolition de l'esclavage qui, plus d'un siècle plus tard, donne ses lettres de noblesse à Mitterrand ??? T'es sorti jusqu'à quelle heure hier soir ?!!!

Nicolas Vignolles a dit…

Mais alors qu'a fait Schoelcher en 1848 ? sans doute la pasteurisation...

Nicolas Vignolles a dit…

Merci Clémentine pour avoir remarqué aussi vite cette énorme bourde !
C'est rectifié... peine de mort, bien évidemment !

Nicolas Vignolles a dit…

On attendait les chars de l'Armée rouge, on gagna des roses et des réformes!

Je ne suis pas adepte de la tontonmania ambiante mais dire des quatorze années de Mitterrand qu'elles ont conduit la France dans la dépression, c'est aller bien vite en besogne. Rappelons d'abord que 86-88 puis 93-95 furent des années de gouvernement de doite...Chacun ses responsabilités donc!

Les grandes réformes qui ont suivi la victoire de François Mitterrand, en 1981, sont passées depuis à la postérité. Retenons, en particulier, la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, les lois Auroux renforçant significativement les droits des salariés, la mise en œuvre des 39 heures - qui précèdera celle des 35 heures, sous l’ère Jospin – la création de l’impôt sur les grandes fortunes, l’augmentation du SMIC…

À ces grandes conquêtes économiques et sociales s’ajoutent d'importantes avancées démocratiques. Lesquelles se soldent notamment par l’abolition de la peine de mort, l’adoption des lois de décentralisation (1982) qui transfèrent de nombreux pouvoirs aux collectivités territoriales, la création de la Haute autorité de l'audiovisuel, la prise en charge de l'IVG par la Sécurité sociale et la démocratisation de l’éducation. Sans omettre l’autorisation des radios libres, sur la bande FM, et l’avènement de la fête de la musique.

Le second septennat sera marqué, pour l’essentiel, par la construction européenne - le traité de Maastricht sera signé en 1992 - et par un effort accru en faveur de la lutte contre la précarité : le RMI.

La gauche ne sait pas réformer? Ouvrez les yeux! Comparez donc avec les années Chirac puisqu'on nous parle de bilan!!

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si vous avez vu l'émission "Mots croisés" (disponible sur le site de France 2, intitulée "Mitterrand et Nous"... Une émission de 2heures qui nous a appris que l'ancienne Majesté Mitterrand premier signait ses notes par "vu" et terminait son travail de premier homme du pays vers 20h, pour dîner avec sa famille (laquelle ?)

Pour compléter la liste de Nicolas sur les bons points de Mimi (c'est comme ça qu'on l'appelait dans la famille), je donnerai au hasard:
Bousquet, Rainbow Warrior, Jean-Edern Hallier et son téléphone, un programme économique en 1981 formidablement novateur et destructeur etc...

Pauvre génération Mitterrand que nous sommes...

Anonyme a dit…

Il dinait avec anne pingeot et mazarine tous les soirs.

Sauf le dimanche soir, rue de Bièvre, il me semble.

Enfin, ça c'est du commentaire important... Peut etre qu'il ne déchainera pas nos deux nicos.

Anonyme a dit…

Que de belles réformes à gauche!
Comment peut-on se féliciter de la mise en place des 39 heures puis des 35 heures? Une aberration pour notre compétitivité mondiale. Parmi les grandes puissances mondiales, nous sommes ceux qui travaillont le moins. Le "culte du travail" n'existe pas chez les Français (ou du moins pour très peu d'entre nous). F. de Panafieu le rappelait très justement dernièrement.

Comment applaudir la mise en place de l'ISF? Cet impôt coûte davantage d'argent pour son traitement que ce qu'il n'en rapporte ! Evidemment, tout ceci n'est qu'une histoire image que l'on veut donner à la population: "oui vous pauvres gens que vous êtes, soyez rassurés, ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie pour créer leur fortune paient pour vous". Sans parler de ceux qui ont hérité d'un bien immobilier qui se voient obligés de le revendre parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer l'ISF. Quelle grande idée l'ISF ! Et que dire de ces grandes richesses de France qui sont parties s'exiler dans des pays où leur argent est accueilli avec un grand sourire? L'ISF est un grand moyen de communication, un effet d'annonce, pour rassurer "la France d'en bas", ni plus ni moins.

Entretenir les Français dans ces illusions ne fait pas avancer notre pays. Encore moins quand il s'agit de faire renaître les actes d'un homme mort depuis 10 ans.

Nicolas Vignolles a dit…

si cette loi était inconstitutionnelle, le Conseil Constitutionnel n'aurait rien dit... Biensûr!

Nicolas Vignolles a dit…

Je signale à Olivier qu'un nouveau dispositif existe. Entre le bouclier fiscal à 60 % des revenus et l'exonération de l'ISF de 75 % des actions détenues pendant au moins six ans, le gouvernement a apporté des correctifs appréciables là où l'impôt était injuste.

Le petit propriétaire dont le patrimoine dépassait 732000 euros du fait de la brusque flambée des prix imobiliers sera désormais épargné...

Nicolas Vignolles a dit…

Je persiste et je signe.
Je pense que Mitterrand a bel et bien accompagné la France dans sa dépression. Il n'en est peut-être pas le seul responsable mais n'a pas en tout cas permis de l'endiguer.

Si certaines des mesures citées dans ton commentaire, Nicolas, étaient peut-être justifiées, à l'époque où Mitterrand les a décidé, je pense réellement qu'elles ne peuvent être aujourd'hui source d'inspiration pour le PS si son dessein est de résoudre les problèmes de la société française du début du XXIe siècle...

1/ retraite à 60 ans... il va falloir la remettre en cause durablement : notre pyramide des âges l'impose.
2/5e semaine de congés payés... cumulée aux RTT issues des 35h, elle dévalorise la valeur travail et réduit mécaniquement chaque année notre taux de croissance.
3/ISF... j'en parlerai en commantant ton second post
4/le RMI... dépassé, il mériterait d'être profondément réformé pour permettre de remettre au travail un certain nombre de chômeurs chroniques.

Reste à son crédit : la décentralisation (qui est cependant loin d'être achevée - elle est aujourd'hui dans sa structure plus source de dépenses publiques, que d'éfficacité), la libéralisation des médias (aidée par le gouvernement Chirac en 86 avec la privatisation de TF1), la construction européenne et de manière plus anecdotique, la fête de la musique et les grands travaux.

Je persiste : il n'y a pas grand chose à puiser pour gouverner aujourd'hui. Le PS doit se renouveller, Innover tout simplement...

Nicolas Vignolles a dit…

Quelqu'un a vu DSK à Jarnac...?


Il faut arrêter de caricaturer le PS. L'UMP se sentirait-elle si sûre d'elle pour s'autoriser à donner des leçons ? Attendez que nous dressions le jour venu, le bilan de 10 années de chiraquisme...nous verrons bien alors qui a mis la France en dépression!

Voici le texte qui figurait sur le site du PS au moment de célébrer les dix ans de la disparition de François Mitterrand :

"Commémorer la disparition de François Mitterrand n’est pas pour les socialistes un exercice obligé, comme un devoir de fidélité envers l’un des plus illustres serviteurs de leur parti.

Ce n’est pas non plus un retour nostalgique vers leur passé commun, au nom d’un devoir de mémoire à l’égard d’une action menée pendant deux septennats au sommet de l’Etat. C’est d’abord, une formidable leçon politique à la veille des rendez-vous électoraux de 2007. Car François Mitterrand nous offre en héritage une stratégie, une démarche et une conception de la France qui n’ont rien perdu de leur actualité.

La stratégie, c’est celle de l’unité des socialistes, de l’union de la gauche et du rassemblement des Français. Ne jamais s’éloigner de ses bases pour mieux élargir son assise.

(...)
La conception de la France, c’est celle de ses valeurs, de son message d’ouverture, de son universalisme. N’avoir jamais peur d’affirmer son patriotisme pour être pleinement européen et internationaliste.

(...)
prenons dans le combat de François Mitterrand, ce qui a permis de lever l’espoir et de gagner, par deux fois, la confrontation électorale majeure. D’abord, en engageant la bataille sur les principes : la liberté qui ne se négocie pas, la solidarité qui ne se marchande pas, l’humanité qui ne s’écorne pas.

Ensuite, en faisant le choix du courage, quitte à affronter les humeurs de l’opinion ou la force des intérêts particuliers.

Enfin, en donnant la priorité à l’avenir et, notamment, à l’Education et à tout ce qui élève la condition humaine, à commencer par la culture et la beauté.

Voilà le message de François Mitterrand. Il nous revient non pas de le copier comme si rien n’avait changé depuis 1971, 1981 et même 1988. Pas plus que nous n’aurions à reproduire ses pas. Non, simplement suivre sa trace pour ouvrir de nouveaux chemins."

Vous mettez souvent un point d'honneur à défendre N. Sarkozy en le disant victime d'une caricature de ses propos. N'enfreignez donc pas les règles que vous savez fixer à vos contradicteurs!

Nicolas Vignolles a dit…

Tu as raison.
Pour tout te dire, Nicolas, j'avais lu ce texte avant que le PS ne se réunisse à Jarnac. Et en effet, ce texte est particulièrement bien écrit et me laisse à penser que le PS n'est pas si mal engagé que cela sur la voie de sa propre révolution.

Pourtant, le spectacle donné à Jarnac m'a fait oublier la lecture de ces brillantes lignes. Voir Fabius et les autres en procession digne des plus belles ascensions de la Roche de Solutré m'a consterné. Autant que la randonnée fléchée dans le "Paris de Mitterrand" que Delanoé a offert à ses concitoyens...

Le discours officiel est une chose. L'image que le PS véhicule en est une autre. Ce dimanche à Jarnac, je n'ai vu que la nostalgie et l'archaïsme...
Et si DSK était absent, c'est peut être que je n'ai pas tout à fait tord et que lui aussi pensait que ce n'était pas le meilleur moyen de donner l'image d'un homme neuf issu d'un parti dynamique et moderne !

Nicolas Vignolles a dit…

J'étais très fier de l'absence de DSK à Jarnac. Pour tout t'avouer, je l'ai pris moi aussi comme un vrai signe de modernité! Et je n'ai pas attendu ces derniers jours, ni même de le voir porter un chapeau, pour abhorrer Laurent Fabius et ce qu'il incarne de "vieille gauche"...

Anonyme a dit…

Juste quelques mots pour rappeler que :

- (i) Tout d’abord, les 35 heures, réforme il est vrai difficilement applicable dans nombre de structures tant publiques que privées (hôpitaux, PME, etc.), n’ont en rien changer le fait que la productivité horaire des travailleurs français demeure officiellement la meilleure au monde. Alors quand il est explicitement écrit que les français auraient une aversion pour la valeur travail, je me pose légitimement des questions sur les intentions des personnes (comme de Panafieu) qui profèrent de telles aberrations. Soit il s’agit de propos répondant à une appréhension dogmatique (libérale) des problèmes sociétaux, et alors on considérera que ces attaques sont certes infondées mais de bonne guerre puisque basées sur des convictions (et dire que certains parlent de fins des idéologies…). Soit au contraire il est question de poursuivre le travail de culpabilisation des travailleurs français. Cette deuxième solution me parait malheureusement celle à retenir. Il serait question de culpabiliser les petites gens, les exclus, les travailleurs, les classes moyennes inférieures, etc., en agitant le spectre de la décroissance (et donc du chômage) pour demander à ces catégories de se « serrer la ceinture », puisque la France vivrait « au dessus de ses moyens » (salutations à notre ami Hervé GAYMARD, savoyard comme moi) ; et c’est d’ailleurs le sens des réformes entreprises par la droite depuis 2002. Alors que, dans le même temps, personne ne soulève la question de savoir pourquoi en France les flux financiers sont moins taxés qu’aux USA, pourquoi les entreprises présentent des résultats d’exploitations plus que bénéficiaires, mais que seul le capital est récompensé pour sa contribution à la production, j’en passe et des meilleurs ! Je ne suis en aucun cas convaincu par les arguments de l’extrême gauche. En revanche je suis convaincu des intentions du gouvernement actuel, tant les faits convergent pour donner voir que ceux qui ont sont au pouvoir…
- (ii) Ensuite, il me semble abusif de porter sans cesse des attaques en règle contre le RMI. Il s’agit d’un droit (et oui, ça existe encore, les droits…) essentiel de notre société. D’ailleurs, si je ne m’abuse, notre Président à tous a saluer il y a peu l’instauration en son temps du RMI par Michel ROCARD (qui contrairement à MITTERRAND est loin d’être une « buse » en ce qui concerne les questions économiques…). Alors si la question des trappes à pauvreté, qui parait être le problème soulevé ici, mérite d’être résolue, dans ‘intérêt de tous, je tiens à rappeler le rapport de Martin HIRSCH qui préconise notamment le maintient dégressif des aides sociales lors du retour à l’emploi. De telles propositions me semblent particulièrement pertinentes tant économiquement que socialement.
- (iii) Enfin, il convient de revenir sur les propos tenus concernant le taux d’imposition en France. Celui-ci est certes d’un niveau élevé. Quoi que Dominique de VILLEPIN considère que celui-ci est compétitif. Surtout, les impôts nous permettent de financer infrastructures et services en tous genres. Je me permets de ne poser qu’une question : si l’état de la France était effectivement si catastrophique que certains le disent, pourquoi la France accueille-t-elle le plus d’IDE provenant de fonds de pensions comparativement aux autres pays industrialisés ? Alors même que chacun connaît la pertinence des investissements de tels fonds, qui agissent rarement pour faire plaisir aux vieux pays que nous sommes… Peut-être que la réponse réside dans la qualité globale de notre pays, au regard de ses taux d’impositions, de la qualité des prestations fournies, de la sécurité qui en résulte, etc.